TRAICTE DE L'EPILEPSIE,
Maladie vulgairement appellée au pays de Prouence, la gouttete aux petits enfans.

Compofé par M. Iean Taxil, Docteur en Medecine, natif des Sainctes Maries, Medecin d'Arles.

A Lyon, M. DCII.



LIVRE I, Chapitre V1


Que l'air corompu peut engendrer facilement l'Epilepsie.


Entre les caufes qui plus promptement & neceffairement alterẽt noftre corps, felon toute l'antiquité, c'eft l'air ambiant, car pour fa fubtilité il eft fi penetrant qu'il perce à trauers des fubftances plus folides de noftre corps, & remplit les lieux, & pores plus imperceptibles d'iceluy, & pour la familarité qu'il a auec noftre feu naturel (comme auec l'elementaire retenu ça bas). Il nous eft tref-neceffaire, pour eftre la nourriture, & principal pabulum d'iceluy, d'où vient que nous ne pouuons viure fans le refpirer & humer, tellement que s'il eft infect ou corrompu, il apportera le mefme vice promptement & neceffairement aux efprits, humeurs & parties de noftre corps, qu'il rafraichira & alterera ; mais comme il ne touche pas de mefme force toutes les parties, auffi ne les altere-il pas de mefme façon, fi fort ni fi promptement. Le cerueau & le coeur ce font les deux parties de noftre corps plus remplies de feu & d'efprit, auffi font-elles qui auec patens & fenfibles instrumens attirent, hument, & infpirent ceft air ambiant, auffi fouffrent elles les plus fortes attaques de ceft air ; & i'oferois dire, que bien que le coeur attire plus grande quantité de ceft air à foy, & par confequant vne qualité plus forte, toutesfois le cerueau en eft pluftoft & plus puiffamment alteré qu'icelluy, parce que le coeur reçoit ceft air ia rectifié par les leures, dents, bouches, vuule, larynx, & poulmons, mais le cerueau le tire & reçoit quafi tel qu'il eft, fans eftre beaucoup alteré du nez ni os cribreux, & partant fi quelque malignité eft enuelopée dans ceft air, le cerueau entre toutes les parties, en eft facilement, & promptement lefé, comme on void qu'à la moindre vapeur acre, ou maligne, incontinant la fternutatiõ eft excitée, encore que le coeur ny le poux ne s'en foyent reffentis ; comme arriua iadis qu'on mouroit par vne fternutation epileptique. Et la pefte qui arriua anciennement qui faifoit fubitement mourir les perfonnes en efternuant (d'où eft venuë la couftume de falüer les hommes en tel accident) ne nous fournit elle fuffifante preuue ? fçauoir que la vapeur maligne attaquoit le cerueau, & faifoit faire cefte piteufe cataftrophe ? Or l'air peut eftre corrompu ; propre à engendrer l'Epilepfie, ou par les caufes vniuerfeles & fuperieures (dequoy nous parlerõs cy apres) ou par les caufes particulieres & inferieures, entre lefquelles la fituation du lieu à grande force : car fi la ville eft fituee en vn lieu marefcageux, paluftre & aquatique, l'air eftans cras & trop humide, fera fubiect aux putrefactions & à engendrer force humeur cras, & debilitant le cerueau pourroit en fin comme eft dict engendrer ce Virus. C'eft pourquoy Hippocrate ratiocinant fur la nature de cefte maladie, & de la qualité de l'air, confeille aux Epileptiques de changer de lieu, afin qu'en refpirant vn air clair & lumineux, exempt de toute corrumption, le cerueau foit fortifié & puiffe vaincre & debeller ce mal. Que fi l'air pour pur & bon qu'il foit, eft meflé de quelques vapeurs, qui ayent pouuoir d'engendrer ce mal, fi toft & promptement il l'engendrera à ceux qui y font difpofés, comme eft (au recit de tous les naturaliftes, & commune opinion des medecins) la fumée du foye du cerf, & de la corne de cheure bruflée, le foulfre & le bitume en font autant, fi leur fumée & vapeur parmy l'air eft reçeuë validement au cerueau, par quelle qualité ces chofes engendrent ce mal, i'ayme mieux confeffer l'imbecillité de mon entendement librement en cela, que comme lon dit me feroit tirer l'oreille, ou comme quelques vns s'eftiment d'efprit fi gaillard, de pouuoir de tout rendre raifon en femblable chofe que cecy, fe voyans preffés nyent tout à plat l'expérience, ou bien diroyent que cela eft par vne antipatie qu'ont ces chofes auec le cerueau pour eftre puantes & foetides. Mais n'y a-t-il des chofes auffi puãtes que celles là, defquelles nous ufons tous les iours en medecine, qui ne nuifent nullement au cerueau ? comme ce puant huile de Iayet, tant propre aux ifteriques paffions, la fumée d'vne falle & vilaine femelle de folier, laffe, foetide, & le caftoreum ? toutes lefquelles chofes font des vapeurs fi tref-puantes qu'elles fe font bien fentir aux plus punais, toutesfois il eft encore à remarquer qu'elles ayent iamais caufé l'Epilepfie, cõme ces fimples que nous auons dit, de tant que comme la rhabarbe purge la cholere par election, & non pas les autres humeurs, & ce par vne qualité formelle, & comme l'aymant attire le fer fans qu'on puiffe dõner la vraye raifon, comment & pourquoy il attire pluftoft le fer que les autres metaux, auffi ces fimples eftãt reçeux validement par plufieurs fois au cerueau, caufent entre tous les maux l'Epilepfie, par vne qualité maligne & inexplicable, eftant tellement attachée à la mefme forme, que comme icelle mefme forme elle nous eft incognuë, & auons pluftoft fenty fes effects, que recogneu la caufe. Les bons compaignõs ayant appris par experiẽce entre tous ces medicamens, la vertu du foulfre, il s'en fçauẽt tres bien feruir aux defpens du bon pere de famille, pour attraper les poulailles fans les faire crier : car en leur faifant fentir la vapeur d'vne allumete fulphurée, incontinant ces animaux tõbent tous eftourdis Epileptiques en demenent les pieds, ailes par mouuemens conuulfis, & donnent loyfir au pollailler de les attraper fans faire bruit. Bref tout ce que change l'air en fes qualités & fubftãce, le rendãt malin ou trop cras, foit par qualité manifefte ou occulte ; affectãt le cerueau, engendre en iceluy l'Epilepfie ou la difpofition d'icelle, & quelles font toutes ces particulieres chofes ; ce chapitre ne les peut comprendre, mais feront dictes ainfi que viendra à propos.