S'il eftoit queftiõ d'examiner exactemẽt la nature du Virus Epileptique, &
fçauoir s'il peut eftre communiqué & tranfporté d'vn fubiect à autre par la frequentation
que les fains peuuent faire auec les malades, & affligez de ce mal : Il femble qu'on n'auroit faute de raifon pour la
partie affirmatiue. Car s'il eft veritable que les maladies qui n'ont point de venin foyent aifément communiquées
& tranfportées d'vn fubject à autre par la feule frequentation & attouchement : à la verité
il femblera par plus valable raifon, que celles qui ont de la venenofité plus ayfément feront communiquées
: nous voyons ordinairement la gale (qui n'eft qv'vne maladie du cuir, & qui n'a point de malignité) eftre aifément
emprainte à vn autre |
192| fubiect par le feul attouchement. De mefme void on arriuer quelquefois
aux ophtalmies & afthmes, & à plufieurs autres telles maladies. Si donques ces maladies là qui ne
font nullement veneneufes, & mefmes les maladies du feul cuir font par l'experience donnees à plufieurs &
diuerfes perfonnes, & lefquelles on fuit & euite : qui ne iugera à plus forte raifon que le Virus de ce mal
ne foit plus dangereux ?
Ariftote nous doibt encore faire croire cela plus affeurément,
qui au troifiefme chapitre de fomno & vigilia, appelle l'Epilpefie pefte. Cette Epilepsie populaire, qui
arriua anciennement
laquelle
fift mourir vne infinité de monde en efternuant, comme nous auons ia dict n'eftoit elle pas tref-contagieufe
? en outre nous fçauons par le tefmoignage des bergers, que fi quelque aigneau eft attaint de l'Epilepfie en vn troupeau
(
car tels animaux font fort fubiects à tel mal) indubitablement dans peu de iours le
mefme mal d'iceluy eft donné à quelque autre. Et puis que cela eft veritable que les animaux attaints de l'Epilepfie
qui sõt beaucoup plus difficiles à efmouuoir que les hõmes contagient fes femblables, pourquoy a plus
forte raifon l'homme Epileptique n'infectera celuy qui le frequẽte ? ces raifons femblent eftre affez valables pour
la confirmatiõ de cefte affirmatiue : mais affez ayfément peuuent eftre refutées : car fi la gale eft
communiquée, c'eft à caufe que le cuir maculé touche |
193| l'autre cuir fain, &
à raifon des excremẽs, fulgineux & gluans qui fortent ordinairemẽt par les pores, ce mal eft empraint
à vn autre fubiect, de mefme façon que la poix s'attache aux mains de celuy qui la manie : pour les ophthalmies
ce qui les rend contagieufes eft quelque efprit chaud & bouillant fortant de l'oeil du malade qui infecte l'oeil du
fain, en l'aduifant de pres : car il eft certain que des efprits vifuels fortent aucunesfois des grandes vertus felon la
difpofition du subiect d'où ils emanent : tefmoing le loup, lequel s'il void vn homme premier que l'homme le voye,
luy par fes rayons vifuels, il à vertu de l'enroüer, ce qu'a tresbien efté remarqué par les anciens.
Virgile en parle ainfi :
--- vox quoque Marin
Iam fugit ipfa : lupi Maerin videre priores.
|
Quant à l'afthmatique, il infecte par les vapeurs qui font expirées par le malade, & iettées en
la poictrine de celuy qu'il baife, où reçoit de pres fon haleine. Toutes lefquelles chofes ne fe font de mefme
à l'Epilepfie : car fon venin eft latent & caché dans les parties du corps, & ne s'en efleue aucune
vapeur qui puiffe fortir de fon fubiect, & aller à vn autre pour le contagier, eftant ce venin en fort petite
quantité, & de nature froide, logée en vne fubftance froide, craffe, & terreftre, comme nous auons
dict. Toutes lefquelles chofes empefchent que tel venin ne peut eftre communiqué d'vn corps à l'autre, &
à |
194| l'experience qu'on a des
brebis qui facilement prennent ce
mal l'vne de l'autre : ie refpons que
tel beftail eftant attaint de ce mal, il en eft vrayment fort
tormenté au deffaut lunaire, comme les hommes, auquel temps on a remarqué que celle qui en eft trauaillée,
iette vn grumeau d'excrement du cerueau, de la groffeur d'vne noix, lequel eft auffi toft mangé par la brebis plus
proche, à caufe que telle efcume & baue eft falée, & tels animaux font forts friants du fel, &
par ce moyẽ le mal eft faict contagieux. Mais il n'en arriue pas de mefme aux hommes cõme à ces animaux
: car bien que lors que le patient eft affligé de fon mal, il rende grande quantité d'efcume, elle n'eft pas
mangée ny deuorée, ains haye de tous, comme chofe vilaine & fale. Pour l'authorité d'Ariftote,
ie dis que lors qu'il
appelle Epilepfie pefte, c'eft une epithete qu'il luy donne, d'autant
que comme vne petite pefte elle emporte plufieurs enfans, non point toutesfois qu'il la iuge fi maligne, que comme vne pefte
elle fe confere par l'attouchemẽt ou haleine l'vn à l'autre. Et à ce qu'on a dict, qu'anciennement
mouruft
beaucoup de monde de l'Epilepfie en efternuant : ie refpons que telle maladie n'eftoit point vrayement l'Epilepfie,
ains pluftoft vn
fymptome de la pefte qui rauageoit en ce
temps là : de mefme comme nous auons veu ces mois paffez la verolle des petits enfans rauager & faire mourir
plufieurs tendrelets en ce pays de |
195| Provence : laquelle auffi toft & à fon arriuée,
comme elle attaquoit les patients, les affligeoit le plus fouuent de
l'Epilepfie, qui n'eftoit qu'vn
fymptome de la fiebure ardente & contagieufe, & en faifoit mourir vne infinité. Certes fi on vouloit
fouftenir opiniaftrement que toute maladie caufée de venenofité fuft contagieufe, on tomberoit en des grandes
abfurditez : car il s'enfuiuroit que ceux qui feroient empoifonnez, empoifonneroiẽt ceux qui conuerferoient auec eux
: il s'enfuiuroit auffi que ceux qui feroient languiffans & mortels par la venenofité d'vn grumeau de fang verfé
hors des veines pourroient communiquer le mal aux affiftans. Ie conclurray doncques que l'Epilepfie n'eft nullement, ny
ne peut eftre contagieufe : comme ces raifons alléguées & l'experience nous font foy.