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ÉTUDE SUR LES HIÉROGLYPHES D'HORUS APOLLON NILOÜS,
PUBLIEE EN LANGUE ÉGYPTIENNE
ET TRADUITE EN GREC PAR PHILIPPE
LIVRE PREMIER.
1. [Comment ils représentent l'éternité.]
a) Pour représenter l'éternité, ils écrivent le soleil et la lune, car ce sont là les principes éternels.
b) S'ils veulent figurer l'éternité d'une autre manière, ils dessinent un serpent, dont la queue est cachée par le reste
du corps et que les Égyptiens appellent Uraeus, ce qui correspond au basilic grec. Ils le confectionnent en or
et en ceignent (la tête des) dieux. Les Égyptiens disent qu'ils représentent l'éternité au moyen de cet animal parce que,
des trois espèces de serpents qui existent, les (deux) autres sont mortelles, mais celle-ci seule est immortelle ; et
aussi parce que, quand il lance son souffle contre n'importe quel animal, il tue sans même avoir mordu. Comme il paraît
ainsi avoir puissance sur la vie et la mort, ils le placent sur la tête des dieux.
2. [Comment ils représentent l'univers.]
Lorsqu'ils veulent représenter l'univers ils peignent un serpent qui mange sa propre queue et dont le corps est
marqué d'écailles variées : par les écailles ils font allusion aux astres qui existent dans
l'univers. Cet animal est très lourd, comme la terre, mais aussi très glissant, comme l'eau. Chaque année,
dépouillant sa vieillesse il se dévêt (de sa peau) ; de même dans l'univers le temps qui compose une année, ayant
opéré une révolution, se renouvelle. Le fait qu'il se sert de son propre corps comme nourriture signifie que toutes les
choses qui sont engendrées dans l'univers par la providence divine se dissolvent en elles-mêmes.
3. [Comment ils représentent l'année.]
a) Lorsqu'ils veulent représenter l'année, ils peignent Isis, c'est-à-dire une femme ; ils figurent la déesse au moyen
de la même (image). Isis est chez eux une étoile, appelée en égyptien Sothis ; et en grec Astrocyon, qui
semble régner sur les autres étoiles, apparaissant tantôt plus grande, tantôt plus petite, tantôt plus brillante, tantôt
moins. Aussi, comme nous sommes renseignés suivant le lever de cette. étoile sur les événements qui doivent s'accomplir
pendant l'année, ce n'est pas sans raison qu'ils appellent l'année Isis.
b) Ils écrivent encore l'année d'une autre manière en peignant un palmier, parce que cet arbre, seul parmi tous les autres,
produit un rameau à (chaque) nouvelle lune, de sorte que l'année correspond à (la poussée de) douze rameaux.
4. [Comment ils représentent le mois.]
Pour écrire le mois, ils peignent un rameau ou la lune dirigée vers le bas
a) Un rameau, pour la raison donnée plus haut à propos du palmier ;
b) La lune dirigée vers le bas, parce qu'ils disent que pendant l'ascension qui comporte 15 parties (= jours), elle présente
les cornes dirigées vers le haut et que pendant la descente qui complète le nombre de 30 jours (du mois), elle a les cornes
dirigées vers le bas.
5. [Comment ils représentent l'année en cours.]
Quand ils veulent écrire l'année en cours, ils écrivent le quart d'une aroure. L'aroure est une mesure de superficie équivalant
à cent coudées. Quand ils veulent dire « l'année », ils disent « le quart » ; car ils prétendent que depuis un lever de
l'étoile Sothis jusqu'au lever suivant vient s'ajouter un quart de jour, de façon que l'année du dieu est de 365 jours
<et un quart> ; c'est pourquoi les Égyptiens comptent un jour de plus tous les quatre ans, car ces quatre quarts
forment un jour (entier).
6. [Ce qu'ils désignent en écrivant un faucon.]
Lorsqu'ils veulent figurer un dieu, la hauteur, l'abaissement, la supériorité, le sang, ou la victoire, [ou Arès ou Aphrodite],
ils peignent un faucon :
a) Un dieu, parce que cet animal est prolifique et qu'il a la vie longue ; d'autre part, parce qu'il semble être le symbole
du soleil et que mieux qu'aucun autre oiseau, il peut de ses yeux affronter les rayons solaires : aussi, les médecins
emploient-ils « l'herbe du faucon » pour soigner les yeux et c'est encore pour ce motif qu'ils (les Égyptiens) représentent
parfois le soleil sous la forme du faucon, comme étant le maître de la vue ;
b) La hauteur, parce que les autres animaux (oiseaux), lorsqu'ils veulent monter dans les hauteurs, volent obliquement,
étant incapables de se diriger en ligne directe, tandis que le faucon seul vole vers les hauteurs en ligne directe ;
c) L'abaissement, parce que les autres animaux (oiseaux) ne se dirigent pas perpendiculairement vers le bas comme lui,
mais se laissent planer obliquement, tandis que le faucon fonce en ligne directe vers le bas ;
d) La supériorité, parce qu'il semble exceller sur tous les oiseaux ;
e) Le sang, parce qu'on dit que cet animal ne boit pas de l'eau mais du sang ;
f) La victoire, parce que cet animal semble vaincre tout (autre) oiseau ; en effet, quand il est menacé par un animal
plus fort, alors il s'élève dans les airs de telle manière que ses serres se trouvent au-dessus, tandis que ses ailes
et la partie postérieure sont en dessous, et il engage le combat ; dans ces conditions l'animal qui lutte contre lui,
ne parvenant pas à faire la même chose, va à la défaite.
7. [Comment ils signifient l'âme.]
On emploie encore le faucon pour (représenter) l'âme en vertu de l'interprétation de son nom. En effet, le faucon s'appelle
baiêth chez les Égyptiens et ce nom, si on le dissocie (en ses éléments), désigne l'âme et le coeur : car le bai
est l'âme et le (h) êth le coeur ; et le coeur est, suivant les Égyptiens, l'enveloppe de l'âme, de sorte que le
nom composé signifie « l'âme dans le coeur ». D'où il se fait aussi que le faucon, ayant des affinités avec l'âme, ne
boit absolument pas d'eau mais du sang, dont se nourrit également l'âme.
8. [Comment ils représentent Arès et Aphrodite.]
a) Quand ils veulent écrire Arès et Aphrodite, ils peignent deux faucons, assimilant le mâle à Arès et la femelle à Aphrodite.
Car les autres animaux femelles n'obéissent pas au mâle pour chaque accouplement comme le fait le faucon : après qu'elle
(la femelle), a été mise à l'épreuve 30 fois par jour et qu'elle s'est retirée, si elle est rappelée par le mâle, elle
obéit à nouveau. C'est pourquoi les Égyptiens appellent « Aphrodite » toute femme soumise à son mari, mais ne désignent
pas ainsi celle qui n'obéit pas. C'est aussi pour ce motif qu'ils ont consacré le faucon au soleil en effet, tout comme
le soleil, il exprime le nombre 30 dans l'accouplement avec la femelle.
b) Ils peuvent encore écrire Arès et Aphrodite en peignant deux corneilles, le mâle et la femelle, parce que cet animal
produit deux neufs dont il convient que naissent un mâle et une femelle. Mais quand deux mâles ou deux femelles ont été
engendrés, ce qui arrive rarement, les mâles qui ont « épousé » les femelles, ne s'accouplent à aucune autre corneille,
ni la femelle à aucune autre corneille (mâle) jusqu'à la mort ; mais ils vivent solitaires, séparés l'un de l'autre. C'est
aussi pourquoi les hommes qui rencontrent une corneille isolée en augurent qu'ils ont rencontré un animal veuf ; et c'est
en vertu de cette même concorde que les Grecs disent encore maintenant en leurs fêtes nuptiales : « Eccori, Cori, Corone
(corneille) » sans comprendre (le sens de ces paroles).
9. [Comment ils représentent le mariage.]
Voulant signifier le mariage, ils peignent également deux corneilles pour la raison exposée (plus haut).
10. [Comment ils représentent ce qui naît seul.]
Voulant signifier ce qui naît seul, ou le devenir, ou le père, ou le monde, ou l'homme (le mâle), ils peignent un scarabée.
a) Ce qui naît seul, parce que cet animal s'engendre de soi-même sans être porté par une femelle. Car il est seul à être
engendré de la façon suivante. Lorsque le mâle veut procréer des petits, il prend de la fiente de boeuf et (en) fabrique
une boule ayant une forme semblable à celle du monde. Il roule celle-ci de ses parties postérieures du levant au couchant,
regardant lui-même vers le levant, afin de reproduire la figure du monde : en effet, celui-ci est porté de l'est vers
l'ouest, tandis que le cours des astres est dirigé de l'ouest vers l'est. Ayant donc creusé un trou, il y enterre la boule
pour vingt-huit jours, c'est-à-dire le nombre de jours pendant lesquels la lune fait le tour des douze signes du zodiaque.
Pendant qu'elle demeure sous terre, la descendance des scarabées prend une forme vivante. Le 29e jour, ayant découvert
la boule, le scarabée la jette dans l'eau car on pense que ce jour-là est celui de la conjonction
de la lune et du soleil et aussi celui de la naissance du monde. Lorsque celle-ci (la boule) s'est ouverte dans l'eau,
les animaux, c'est-à-dire les scarabées, en sortent.
b) Le devenir, pour la raison susdite.
c) Le père, parce que le scarabée tire son origine exclusivement de son père.
d) Le monde, parce que sa naissance est semblable à celle du monde.
e) L'homme (le mâle), parce qu'il n'a pas de descendance féminine. Il y a trois espèces de scarabées. La première ressemble
au chat ; elle porte des raies et en raison de ce trait de ressemblance, ils l'ont consacrée au soleil. Car on prétend
que le chat mâle modifie les prunelles de ses yeux suivant le cours du soleil : celles-ci s'écarquillent le matin au lever
du dieu, elles deviennent rondes au milieu du jour et semblent réduites à l'heure où le soleil va se coucher ; c'est aussi
pourquoi la statue du dieu qui se trouve à Héliopolis a la forme d'un chat. Tout scarabée a également 30 doigts à cause
des 30 jours du mois pendant lesquels le soleil se lève et fait sa course. La deuxième espèce a deux cornes et ressemble
au taureau ; elle est aussi consacrée à la lune ; c'est pourquoi les enfants des Égyptiens disent que le taureau céleste
représente le sommet de la puissance de la déesse. La troisième espèce n'a qu'une corne et ressemble à un ibis ; ils croient
qu'elle se rapporte à Hermès tout comme l'oiseau (appelé) ibis.
11. [Ce qu'ils signifient en dessinant le vautour.]
Lorsqu'ils veulent écrire la mère, la vue, la limite, la prescience, l'année, la (voûte) céleste, le miséricordieux, Athéna,
Héra, ou deux drachmes, ils peignent un vautour.
a) La mère, parce qu'il n'existe pas de mâle dans cette espèce d'oiseaux. Or voici comment ils sont engendrés. Lorsque
le vautour (femelle) désire concevoir, il ouvre sa vulve dans la direction du vent du nord et se laisse féconder par celui-ci
pendant cinq jours, durant lesquels il ne prend ni aliment ni nourriture, tant est ardent son désir de procréer. Il y
a encore d'autres espèces d'oiseaux qui conçoivent du vent, mais dont les neufs ne sont bons qu'à être mangés et non à
produire des êtres vivants ; mais lorsque les vautours sont fécondés par le vent, les neufs qui en proviennent produisent
des êtres vivants.
b) La vue, parce que le vautour a la vue plus perçante qu'aucun autre animal ; il regarde vers le couchant quand le soleil
se lève et vers le levant quand le soleil se couche, découvrant à une très grande distance ce dont il a besoin pour sa
nourriture.
c) Le terme, parce que, lorsqu'une guerre va arriver à sa fin, il détermine l'endroit où le combat aura lieu et s'y trouve
déjà sept jours auparavant.
d) La prescience, soit pour la raison susdite, soit parce que, assistant à une lutte ou à une partie de chasse, il dirige
son regard vers l'endroit où il y a le plus de tués et de défaits, se réservant sa part de nourriture sur les cadavres.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les anciens rois envoyaient des observateurs qui devaient examiner de quel côté
du champ de bataille les vautours dirigeaient le regard, indiquant ainsi ceux qui auraient le dessous.
e) L'année, parce que cet animal distribue son année en 365 jours qui font la durée de l'année (civile). Pendant 120 jours
il fait sa gestation, pendant 120 autres jours il nourrit ses petits et pendant les 120 jours qui restent, il prend soin
de lui-même sans être en gestation et sans nourrir (de petits) et il se prépare à une nouvelle conception ; quand aux
5 jours qui restent, il les consacre à se laisser féconder par le vent, comme je l'ai déjà dit plus haut.
f) Le miséricordieux, ce qui semblera paradoxal aux yeux de certains, puisque cet animal tue tout. Mais ils étaient obligés
d'employer cette image parce que pendant les 120 jours, durant lesquels il nourrit ses petits, il ne vole plus mais demeure
absorbé par ses petits et par les soins de leur alimentation. Lorsqu'il n'a pas de nourriture à offrir à ses petits, il
coupe sa propre cuisse et procure ainsi à ses enfants du sang (à boire), pour qu'ils ne périssent pas faute de nourriture.
g) Athéna et Héra, parce que, suivant l'opinion des Égyptiens, Athéna a reçu (en partage) l'hémisphère supérieur du ciel,
et Héra l'(hémisphère) inférieur. C'est pourquoi ils estiment qu'il est absurde de désigner le ciel comme étant
masculin, mais (ils le désignent) comme un féminin : « la ciel », parce que la naissance du soleil, de la lune
et des autres astres s'accomplit en lui et que c'est là une activité féminine. La race des vautours ne comporte, comme
je l'ai dit plus haut, que des femelles ; c'est pour cette raison que les Égyptiens placent sur (la tête de) tout personnage
féminin un vautour en guise d'attribut royal. Par conséquent [les Égyptiens] <s'en servent pour représenter> toute
déesse, mais il ne faut pas que j'allonge mon exposé en traitant de chacune d'elles.
h) [Or, voulant signifier la mère, ils peignent un vautour, car il est la mère d'animaux femelles]. La (voûte) céleste,
car comme je l'ai dit plus haut, il ne leur plaît pas de dire le ciel, parce que ces (éléments) tirent leur origine
de là.
i) Deux drachmes, parce que chez les Égyptiens les deux drachmes constituent l'unité, celle-ci étant à l'origine de tout
nombre. Ainsi donc ont-ils raison quand, voulant indiquer deux drachmes, ils écrivent le vautour, puisque celui-ci semble
être la mère et l'origine, comme l'est aussi l'unité.
12. [Comment ils écrivent Héphaistos <et Athéna>.]
Quand ils veulent écrire Héphaistos, ils peignentt un scarabée et un vautour, mais quand ils veulent écrire Athéna, ils
peignent un vautour et un scarabée : [car, suivant leurs conceptions, le monde se compose d'un élément mâle et d'un élément
femelle ; <pour Héphaistos qui est un mâle> ils écrivent le scarabée, et pour Athéna ils écrivent le vautour] ;
car suivant eux, seuls parmi les dieux ceux-ci sont mâle et femelle (à la fois).
13. [Ce qu'ils signifient en écrivant une étoile.]
Voulant désigner le dieu de l'univers, ou le destin, ou le nombre 5, ils peignent une étoile.
a) Dieu, parce que la providence divine décerne la victoire, par laquelle s'accomplit le mouvement des astres et du monde
entier ; car il leur semble que rien ne peut avoir une existence séparément de Dieu.
b) Le destin, parce que celui-ci dépend aussi de la disposition des astres.
c) Le nombre 5, parce que, malgré qu'il y a foison (d'étoiles) dans le ciel, cinq d'entre elles seulement réalisent par
leur mouvement l'ordonnance de l'univers.
14. [Ce qu'ils signifient en écrivant un cynocéphale.]
Voulant écrire la lune, ou le (monde) habité, ou l'écriture, ou le prêtre, ou la colère, ou la nage, ils peignent un cynocéphale.
a) La lune, parce que cet animal entre dans un certain rapport avec la conjonction du dieu : en effet, lorsque la lune,
étant entrée en conjonction avec le soleil, est dépourvue de lumière pendant la fraction d'une heure déterminée, alors
le cynocéphale mâle ne voit ni ne mange plus, il est déprimé et s'incline vers le sol comme s'il déplorait l'enlèvement
de la lune. Quant à la femelle, non seulement elle ne voit plus et éprouve la même chose que le mâle, mais de plus elle
perd du sang par ses parties génitales. C'est pourquoi jusqu'à ce jour on élève des cynocéphales dans les temples afin
de connaître par eux le moment de la conjonction du soleil et de la lune.
b) Le (monde) habité, parce que, à les en croire, le (monde) habité comprend 72 anciennes régions et que ces (cynocéphales)
qui sont nourris dans les temples et y sont l'objet de soins, ne meurent pas en un jour, comme les autres animaux ; mais
une partie de ceux-ci meurt chaque jour et est embaumée par les prêtres tandis que le reste du corps garde sa nature (normale).
Et ce n'est que lorsque les 72 jours sont accomplis qu'il est entièrement mort.
c) L'écriture, parce qu'il existe une espèce de cynocéphales qui sait (écrire) les lettres égyptiennes. Aussi, lorsqu'un
cynocéphale est conduit pour la première fois au temple, le prêtre lui présente une tablette, un jonc et de l'encre pour
voir s'il appartient à l'espèce qui sait écrire et s'il écrit. Au reste cet animal est mis en relation avec Hermès qui
s'occupe de tout ce qui a trait à l'écriture.
d) Le prêtre, parce que, de sa nature, le cynocéphale ne mange pas de poisson, ni même du pain fait avec du poisson, tout
comme les prêtres. Il naît circoncis et les prêtres pratiquent également la circoncision.
e) La colère, parce que cet animal est plus irritable et plus colérique qu'aucun autre.
f) La nage, parce que, alors que les autres animaux qui pratiquent la natation ont l'air dégoûtant, lui seul arrive en
nageant jusqu'à l'endroit qu'il désire atteindre sans être couvert de crasse.
15. [Comment ils écrivent le lever de la lune.]
Voulant écrire le lever (mensuel) de la lune, ils peignent encore un cynocéphale dans l'attitude que voici : il est debout
et lève les mains au ciel, et il porte sur la tête un insigne royal. Ils représentent (ainsi) l'attitude que prend le
cynocéphale au lever (de la lune) alors qu'il rend en quelque sorte grâces à la déesse parce que tous les deux ont bénéficié
de la lumière (solaire).
16. [Comment ils écrivent les deux équinoxes.]
D'autre part, lorsqu'ils veulent signifier les deux équinoxes, ils peignent un cynocéphale assis : car aux deux équinoxes
de l'année celui-ci urine douze fois par jour, (à savoir) à chaque heure, et il fait la même chose pendant ces deux nuits.
Aussi n'est-ce pas sans raison que les Égyptiens sculptent sur leurs clepsydres un cynocéphale assis et font couler l'eau
de son membre, car, comme je l'ai dit plus haut, il indique les douze heures de l'équinoxe. Mais afin que le (filet d')
eau ne soit ni trop large ni trop mince en sortant de cet appareil <automatique> grâce auquel l'eau donne la mesure
du temps car on a besoin des deux (filets différents) étant donné que, s'il est trop large,
il évacue l'eau trop rapidement et ne donne pas exactement la mesure de l'heure, et s'il est trop mince, il épuise petit
à petit et lentement le réservoir ils font passer jusqu'à la queue un canal capillaire et
ils adaptent à l'épaisseur de celui-ci, d'après la nécessité du moment, une (aiguille de) fer. Il leur plaît d'agir ainsi
non sans avoir une raison pour cela, comme pour toutes les autres choses. C'est aussi parce qu'aux équinoxes, seul parmi
les animaux, il pousse, un cri douze fois par jour, à raison d'une fois par heure.
17. [Comment ils représentent l'ardeur.]
Quand ils veulent représenter l'ardeur, ils peignent un lion. En effet, cet animal a une grande tête, des pupilles enflammées,
la face arrondie et autour de celle-ci, des poils rayonnants, à la ressemblance du soleil. C'est pourquoi ils placent
des lions sous le trône d'Horus, marquant (ainsi) le trait de ressemblance entre le dieu et l'animal. Le soleil est (appelé)
Horus parce qu'il a puissance sur les heures (ωραι).
18. [Comment ils écrivent la vigueur.]
Voulant écrire la vigueur, ils peignent la partie antérieure du lion, parce que chez celui-ci cette partie du corps est
la plus vigoureuse.
19. [Comment ils écrivent celui qui veille.]
Voulant écrire celui qui veille, ou bien le gardien, ils dessinent une tête de lion, parce que le lion ferme les yeux
quand il veille et les tient ouverts quand il dort, ce qui est le signe qu'il fait bonne garde. C'est pourquoi ils mettent
des lions aux serrures des temples pour symboliser des gardiens.
20. [Comment ils représentent ce qui est effrayant.]
Voulant représenter ce qui est effrayant, ils emploient le même signe, parce que cet animal, étant le plus vaillant, porte
à la crainte tous ceux qui l'aperçoivent.
21. [Comment ils représentent la crue du Nil.]
Voulant représenter la crue du Nil, qu'ils appellent en égyptien Noun, ce qui signifie « nouveau » en traduction,
ils dessinent tantôt un lion, tantôt trois grands vases à eau, tantôt le ciel et la terre qui font jaillir de l'eau.
a) Un lion, parce-que le soleil, lorsqu'il est en conjonction avec le Lion, rend plus abondante la crue du Nil, de sorte
que, lorsqu'il demeure dans cette constellation (au-delà du temps normal), la nouvelle eau atteint souvent le double du
débit ordinaire. C'est pourquoi les anciens préposés aux travaux des temples fabriquaient les caniveaux et les conduits
des fontaines sacrées en forme de lion.
C'est aussi la raison pour laquelle, jusqu'à ce jour, ils <font passer> le vin à travers les lions en accomplissement
du voeu (qu'ils font) lorsqu'il y a surabondance de liquide et qu'elle reste stagnante dans <les canaux d'irrigation>
des champs.
b) Trois vases à eau [ou bien le ciel et la terre qui fait jaillir de l'eau] en comparant
le <Noun> à un coeur muni d'une langue : à un coeur, parce que, suivant eux, il est la partie qui guide le corps,
de même que c'est le Nil qui préside à l'Égypte ; à une langue, parce que, comme elle demeure toujours dans l'humidité,
ils l'appellent la productrice de l'existence trois vases, ni plus ni moins, parce que, suivant
eux, la crue est produite par trois facteurs : ils voient l'un dans la terre d'Égypte qui est d'elle-même productrice
d'eau ; le deuxième dans l'océan, car lui aussi amène de l'eau en Égypte au moment de la crue ; le troisième, dans les
pluies qui tombent dans, les régions méridionales de l'Éthiopie vers l'époque de la crue du Nil. Voici comment on peut
se rendre compte que l'Égypte produit de l'eau. Dans toutes les autres régions du monde, les inondations des fleuves,
se produisant à cause des pluies continuelles, ont lieu pendant l'hiver ; mais seul le pays des Égyptiens, qui est au
milieu de l'univers, comme ce qu'on appelle la pupille dans l'oeil, provoque par lui-même l'inondation pendant l'été.
22. [Comment ils écrivent l'Égypte.]
Lorsqu'ils veulent écrire l'Égypte, ils peignent un encensoir ardent et, au-dessus (de celui-ci), un coeur, pour indiquer
que, de même que le coeur du jaloux brûle toujours, de même l'Égypte, à cause de la chaleur (qui y règne), produit continuellement
les êtres vivants qui existent en elle ou autour d'elle.
23. [Comment ils signifient un homme qui n'a pas quitté son pays.]
Voulant signifier un homme qui n'a pas quitté son pays, ils peignent un (personnage) à tête d'âne, parce qu'il n'écoute
aucun récit et n'a pas idée de ce qui se passe à l'étranger.
24. [Comment ils écrivent une amulette.]
Voulant écrire une amulette, ils peignent deux têtes humaines, la tête d'homme regardant vers l'intérieur et la tête de
femme vers l'extérieur ; car ainsi, disent-ils, aucun des (mauvais) génies ne les atteindra, parce que, même sans employer
des lettres, ils se constituent une protection au moyen des deux têtes.
25. [Comment ils écrivent un homme non encore formé.]
Voulant écrire un homme qui n'est pas encore formé, ils peignent une grenouille, parce que celle-ci est engendrée par
le limon du fleuve. Aussi arrive-t-il qu'elle apparaisse ayant (déjà) une partie (du corps) en forme de grenouille tandis
que pour le reste elle ressemble encore à de la boue, de façon qu'elle disparaît aussitôt que le fleuve rentre dans son
lit.
26. [Comment ils représentent l'(idée d')ouvrir.]
Voulant représenter l'(idée d')ouvrir, ils peignent un lièvre, parce que cet animal a toujours les yeux ouverts.
27. [Comment ils écrivent la parole.]
a) Voulant écrire la parole, ils peignent une langue et un oeil injecté de sang, assignant dans le langage la prééminence
à la langue et le rôle secondaire aux yeux. Car c'est ainsi que les mots sont en parfaite conformité avec l'âme, variant
suivant les mouvements de celle-ci.
b) [Comment le langage est exprimé d'une autre manière par les Égyptiens.]
Voulant signifier la parole d'une autre manière, ils écrivent la langue avec une main en dessous, estimant que le rôle
primordial dans le discours revient à la langue et l'activité complémentaire à la main, étant donné que celle-ci complète
les intentions de la langue.
28. [Comment ils écrivent l'aphonie.]
Voulant écrire l'aphonie, ils écrivent le nombre 1095 qui représente le nombre de jours renfermé dans trois années, l'année
se composant de 365 jours. Si au bout de ce temps un enfant ne parle pas, on le considère comme ayant la langue entravée.
29. [Comment ils représentent une voix lointaine.]
Voulant représenter une voix (qui se fait entendre) de loin, ce qui se dit en égyptien ouaie, ils écrivent la voix
de l'air, c'est-à-dire le tonnerre, dont rien ne surpasse la force et l'intensité.
30. [Comment ils écrivent l'antiquité d'origine.]
Voulant écrire l'antiquité d'origine, ils peignent une botte de papyrus, indiquant par là les premiers aliments. Car personne
ne pourrait découvrir le début de l'alimentation ou de la génération.
31. [Comment ils indiquent l'action de goûter.]
Voulant indiquer l'action de goûter, ils peignent la partie antérieure de la bouche, parce que toute (sensation de) goût
est conservée jusque-là, je veux dire (une sensation) de goût parfaite. Mais voulant indiquer une (sensation de) goût
imparfaite, ils peignent la langue sur les dents parce que toute (sensation de) goût s'accomplit par le moyen de celles-ci.
32. [Comment ils représentent la volupté.]
Quand ils veulent représenter la volupté, ils écrivent le nombre 16, car c'est à partir de ce nombre d'années que les
hommes commencent à avoir commerce avec les femmes et à engendrer des enfants.
33. [Comment ils représentent la copulation.]
Voulant représenter la copulation, ils écrivent deux fois le nombre 16. Comme nous avons dit que 16 signifiait la volupté
et que, d'autre part, la copulation suppose deux voluptés, celle de l'homme et celle de la femme, ils écrivent un autre
(nombre) 16 à côté du premier.
34. [Comment ils écrivent une âme qui demeure longtemps (dans ce monde).]
Voulant écrire une âme qui demeure longtemps ici-bas, ou bien l'inondation, ils peignent l'oiseau (appelé) phénix.
a) L'âme, parce que cet animal atteint un âge plus avancé qu'aucun autre dans l'Univers.
b) L'inondation, parce que le phénix est le symbole du soleil que rien ne surpasse en grandeur dans (tout) l'Univers.
Car le soleil monte plus haut que toute chose et scrute tout, et c'est pourquoi il est appelé « <celui qui a des yeux>
multiple<s> ».
35. [Comment ils représentent celui qui revient tardivement de l'étranger.]
De même, pour représenter celui qui revient tardivement de l'étranger, ils écrivent également l'oiseau (appelé) phénix.
Car celui-ci se rend en Égypte quand vient le moment où le destin va l'atteindre, après chaque intervalle de cinq cents
ans, et lorsque, dans le cas où il a devancé (le destin), il s'est acquitté (envers celui-ci) à l'intérieur de l'Égypte,
on lui rend en secret les devoirs funèbres, et il faut qu'on rende au phénix tous (les honneurs) que les Égyptiens rendent
aux autres animaux sacrés. Car on dit qu'il se réjouit plus du soleil parmi les Égyptiens que parmi les autres hommes.
C'est aussi la raison pour laquelle le Nil déborde en leur faveur sous la chaleur de ce dieu, au sujet duquel tu trouveras
notre exposé un peu plus haut.
36. [Comment ils écrivent le coeur.]
Quand ils veulent écrire le coeur, ils peignent un ibis. Car cet animal est mis en relation avec Hermès, le seigneur de
tout coeur et de tout raisonnement ; et aussi parce que l'ibis a en lui-même une similitude avec le coeur, au sujet de
laquelle les Égyptiens rapportent de nombreux récits.
37. [Comment ils écrivent l'éducation.]
Voulant écrire l'éducation, ils peignent la rosée tombant du ciel, indiquant que, de même que la rosée qui descend se
répand sur toutes les plantes et amollit celles qui ont la faculté de s'amollir, mais est incapable d'obtenir le même
résultat pour celles qui, de par leur nature, restent dures, ainsi aussi chez les hommes, l'éducation est un bien commun,
mais celui qui a d'heureuses dispositions la recueille avidement, comme une rosée, tandis que celui qui n'est pas doué
est incapable d'en faire autant.
38. [Comment ils désignent l'écriture égyptienne.]
Quand ils désignent les lettres égyptiennes, l'hiérogrammate, ou le terme, ils peignent l'encre, le crible et le jonc.
a) L'écriture égyptienne, parce que tout ce qui s'écrit chez les Égyptiens est tracé au moyen de ces instruments. En effet,
ils écrivent - au moyen du jonc et avec rien d'autre. Le crible, parce que le crible, qui est le premier ustensile pour
faire le pain, se fabrique au moyen du jonc ; ils signifient donc que celui qui a de quoi manger apprendra à écrire, mais
que celui qui n'a pas de quoi (se nourrir) s'adonnera à un autre métier. C'est aussi pourquoi l'instruction s'appelle
sbô chez eux, ce qui signifie en traduction « une nourriture suffisante ».
b) L'hiérogrammate, parce que celui-ci diagnostique la vie et la mort. Les hiérogrammates possèdent même un livre sacré,
appelé Ambrês, d'après lequel ils diagnostiquent si le malade alité peut vivre ou non, et ils donnent cette
indication suivant la façon dont le malade est couché.
c) Le terme, parce que celui qui sait écrire est arrivé au port paisible de la vie et qu'il ne doit plus errer çà et là
à cause des revers (de l'existence).
39. [Comment ils écrivent l'hiérogrammate.]
Quand ils veulent écrire différemment l'hiérogrammate, ou le prophète, ou l'embaumeur, ou la rate, ou l'odorat, ou le
rire, ou l'éternûment, [ou la magistrature, ou le juge], ils peignent un chien.
a) L'hiérogrammate, parce que celui qui veut devenir un parfait hiérogrammate doit s'exercer souvent à la récitation,
crier continuellement et avoir un air sauvage, sans montrer de complaisance pour personne, comme les chiens.
b) Le prophète, parce que le chien regarde avec plus d'attention que les autres animaux les images des dieux, comme (le
fait) le prophète.
c) L'embaumeur des animaux sacrés, parce que lui aussi regarde les animaux sacrés, dépouillés et découpés, auxquels il
doit rendre les devoirs funèbres.
d) La rate, parce que, de tous les animaux, le chien a la rate la plus légère. S'il est touché par la mort ou atteint
de la rage, c'est la rate qui en est la cause, et ceux qui s'occupent de cet animal lorsqu'on l'ensevelit deviennent pour
la plupart hypocondriaques au moment de mourir ; car en aspirant les exhalaisons du chien ils en subissent l'infection.
e) L'odorat, le rire et l'éternûment, parce que ceux qui sont gravement atteints d'hypocondrie ne peuvent ni sentir, ni
rire, ni éternuer.
40. [De quelle manière ils représentent la magistrature ou le juge.]
Lorsqu'ils veulent écrire la magistrature ou le juge, ils ajoutent encore au chien un vêtement royal qu'ils placent à
côté de lui, [une figure nue] ; parce que, de même que le chien regarde fixement les images des dieux, comme nous l'avons
dit plus haut, ainsi aussi le magistrat, qui était juge dans les temps plus anciens, voyait le roi nu. C'est pour cette
raison qu'ils placent auprès de lui le vêtement royal.
41. [Comment ils désignent le pastophore.]
Quand ils veulent désigner le pastophore, ils peignent le gardien de la maison, parce que c'est lui qui garde le temple.
42. [Comment ils représentent l'horoscope.]
Quand ils veulent représenter l'horoscope, ils peignent un homme qui mange les heures, non point que l'homme mange les
heures, ce qui est impossible, mais parce que les heures procurent les aliments aux hommes.
43. [Comment ils représentent la pureté.]
Quand ils veulent écrire la pureté ; ils peignent le feu et l'eau, parce que c'est au moyen de ces éléments que l'on accomplit
toute purification.
44. [Comment ils figurent l'iniquité et la souillure.]
Quand ils veulent représenter l'iniquité ou la souillure, ils peignent un poisson, parce que le fait de manger du poisson
leur est en horreur et les met dans un état de souillure pour les rites sacrés. Car tout poisson est ventrem solvens
(?) et mange son semblable.
45. [Comment ils écrivent la bouche.]
Quand ils veulent écrire la bouche, ils peignent un serpent, parce que le serpent n'a aucun membre solide si ce n'est
la bouche.
46. [Comment ils désignent la virilité avec tempérance.]
Quand ils veulent désigner la virilité avec tempérance, ils peignent un taureau doué, d'une nature saine. Car cet animal
a le membre très chaud, de sorte qu'ayant une fois engagé son membre dans la vulve de la femelle, il éjecte son sperme
sans faire aucun mouvement ; mais si parfois il manque la vulve et s'il applique son membre à une autre partie du corps
de la vache, alors il blesse la femelle par un effort trop violent. Mais d'autre part, il est tempérant en ce qu'il ne
couvre jamais la femelle après qu'elle a conçu.
47. [Comment ils écrivent l'ouïe.]
Quand ils veulent écrire l'ouïe, ils peignent une oreille de taureau. Car lorsque la femelle désire concevoir - et son
ardeur ne dure pas plus de trois heures - elle mugit très fort et, si au bout de ce temps le taureau n'est pas venu, elle
referme la vulve jusqu'à l'union suivante. Mais ce cas ne se présente que rarement. En effet, le taureau entend à grande
distance et, se rendant compte qu'elle est en chaleur, il arrive en courant en vue de la saillie, étant seul à faire cela
contrairement aux autres animaux.
48. [Comment ils représentent le membre viril d'un homme prolifique.]
Quand 'ils veulent représenter le membre viril d'un homme prolifique, ils peignent un bouc et non pas un taureau. Car
ce dernier ne saillit pas avant d'avoir un an, tandis que le bouc. s'accouple dès qu'il est âgé d'une semaine. Il n'émet,
il est vrai, qu'un sperme stérile et dépourvu de germes fécondants, mais il saillit quand même plus tôt que tous les autres
animaux.
49. [Comment ils représentent l'impureté.]
Quand ils veulent écrire l'impureté, ils peignent un oryx, parce que, au moment où la lune commence à se lever, il regarde
fixement la déesse et pousse un cri, mais sans l'intention de la célébrer ou de l'acclamer. En voici la preuve la plus
manifeste : il creuse le sol de ses pattes de devant et roule ses yeux comme s'il était fâché et ne voulait pas voir le
lever de la déesse. Il fait d'ailleurs la même chose au moment du lever de l'astre divin qu'est le soleil. C'est pourquoi
les anciens rois, lorsque l'horoscope leur signalait le lever (de l'astre), se plaçaient auprès de l'animal, et tâchaient
de connaître exactement le lever par le moyen de l'oryx, comme (on le fait) avec certains gnomons. C'est encore la raison
pour laquelle les bêtes de cette espèce sont les seules que les prêtres mangent sans qu'elles ne soient marquées, parce
qu'il semble y avoir un certain antagonisme entre elles et la déesse. En effet, si l'oryx atteint une source dans le désert,
il la trouble de ses lèvres en y buvant, il mélange l'eau avec les matières (sédimentaires) et y envoie de la poussière
au moyen de ses pattes afin qu'elle soit imbuvable pour tout autre animal. C'est donc à ce point que la nature de l'oryx
est réputée perverse et nuisible, car il ne fait même pas cela (c'est-à-dire boire) d'une manière convenable, alors que
la déesse elle-même crée et augmente tout ce qu'il y a d'utile dans le monde.
50. [Comment ils désignent la destruction.]
Quand ils veulent désigner la destruction, ils peignent une souris, parce que, en mangeant toute chose, elle souille et
corrompt (tout). Ils emploient le même signe lorsqu'ils veulent écrire la sélection. Car lorsque la souris a devant elle
beaucoup des pains différents, elle choisit comme nourriture le plus pur d'entre eux ; c'est pourquoi les boulangers font
leur choix en s'inspirant (de la manière de faire) des souris.
51. [Comment ils représentent l'effronterie.]
Quand ils veulent représenter l'effronterie, ils peignent une mouche ; celle-ci, malgré qu'on la chasse continuellement,
n'en revient pas moins.
52. [Comment ils écrivent la sagacité.]
Quand ils veulent écrire la sagacité, ils peignent une fourmi. Car elle connaît même ce qu'un homme a mis en sûreté dans
une cachette ; ce n'est pas seulement (pour cette raison) mais aussi parce que, contrairement aux autres animaux, quand
elle prépare ses provisions pour l'hiver, elle ne se trompe pas d'endroit mais y arrive sans se fourvoyer.
53. [Comment ils écrivent le fils.]
Quand ils veulent écrire le fils, ils peignent une oie. Car cet animal montre le plus d'affection pour ses petits ; et
si quelqu'un venait à en poursuivre une pour la prendre avec ses petits, le père et la mère s'offrent spontanément aux
chasseurs pour que leurs petits soient sauvés. C'est pour cette raison que les Égyptiens ont jugé bon de vénérer cet animal.
54. [Comment ils signifient l'insensé.]
Lorsqu'ils écrivent le pélican, ils signifient l'insensé et l'imprudent. En effet, malgré qu'il puisse déposer ses neufs
dans des endroits assez élevés, comme les autres oiseaux, il n'en fait rien ; mais il creuse la terre et y dépose ses
petits. Les hommes, sachant cela, placent tout autour du fumier desséché de boeuf et y mettent le feu. Lorsque le pélican
aperçoit la fumée, il veut éteindre le feu au moyen de ses ailes mais il arrive au contraire à l'animer par ce mouvement,
de manière qu'il a les ailes brûlées par le feu et devient une proie facile pour les chasseurs. C'est pour cette raison
que les prêtres n'ont pas l'habitude d'en manger parce que, en réalité, il entreprend cette lutte pour ses petits. Mais
les autres Égyptiens en mangent, disant que le pélican n'entreprend pas le combat d'une manière sensée, comme l'oie, mais
d'une manière irréfléchie.
55. [Comment ils représentent la gratitude.]
Quand ils veulent écrire la gratitude, ils peignent une huppe. Car c'est le seul des êtres privés de parole qui, ayant
été soigné par ses' parents, leur rend le même service quand ils sont devenus vieux. Elle leur prépare un nid à l'endroit
où elle-même a été nourrie, elle leur arrache les plumes et leur procure des aliments jusqu'à ce que les plumes des parents
aient repoussé et qu'ils puissent subvenir euxmêmes à leurs besoins. C'est pourquoi on donne la préférence à la huppe
pour (orner) les sceptres des dieux.
56. [Comment ils représentent l'injuste et l'ingrat.]
(Voulant) au contraire (représenter) l'injuste et l'ingrat, ils écrivent deux ongles d'hippopotame dirigés vers le bas.
Car celui-ci, devenu adulte, met son père à l'épreuve pour voir s'il est plus fort que lui au combat. Si son père doit
abandonner la lutte et lui céder la place, il (le fils) s'approche de sa propre mère pour s'unir à elle et lui laisse
la vie sauve (c'est-à-dire à son père). Mais si le père ne lui permet pas d'accomplir son union avec sa mère, alors il
le tue, profitant de ce qu'il est le plus vaillant et le plus robuste. A la partie inférieure, il y a deux ongles
d'hippopotame, afin que les hommes qui voient cela et qui connaissent ce qu'on rapporte à ce sujet, soient
davantage portés à bien faire.
57. [Comment ils signifient celui qui est ingrat envers ses bienfaiteurs.]
Quand ils veulent signifier celui qui est ingrat et animé de sentiments hostiles envers ses bienfaiteurs, ils peignent
un pigeon. Car le mâle, quand il est devenu fort, chasse son père d'auprès de sa mère et contracte ainsi une union avec
celle-ci. Cet animal semble être pur ; car, lorsque la peste règne et que tout ce qui est animé ou inanimé est d'un effet
contagieux <sur> ceux qui (en) mangent, lui seul n'est pas atteint du mal. C'est la raison pour laquelle on ne présente
au roi, pendant (tout) ce temps, rien d'autre à manger que des pigeons. (L'on présente) aussi la même chose à ceux qui
doivent être dans un état de pureté parce qu'ils sont au service des dieux. On rapporte que cet animal n'a pas de bile.
58. [Comment ils désignent une chose impossible.]
Quand ils veulent désigner une chose impossible, ils peignent les pieds. d'un homme se promenant dans l'eau ; et lorsqu'ils
désirent signifier la même chose d'une autre manière, ils peignent un homme qui se promène sans tête. Comme ces deux choses
sont impossibles, c'est à bon droit qu'ils les ont choisies à cette fin.
59. [Comment ils représentent un roi très puissant.]
Quand ils veulent représenter un roi très puissant, ils peignent un serpent disposé comme (pour figurer) l'univers et
ils lui mettent la queue dans la bouche. Ils écrivent le nom du roi au milieu de l'enroulement, donnant à entendre par
cette graphie que le roi régit l'univers. Le nom que les Égyptiens donnent au serpent est meisi.
60. [Comment ils représentent le roi gardien.]
Si d'autre part ils veulent désigner le roi (en tant que) gardien, ils peignent le serpent vigilant ; mais à la place
du nom du roi ils dessinent un gardien. Car il est le gardien de l'univers entier et
61. [Comment ils indiquent le maître du monde.]
Enfin quand ils conçoivent et désignent le roi (en tant que) souverain du monde, ils peignent encore le serpent ; mais
ils notent à l'intérieur de celui-ci « grande maison » et (ceci) avec raison : car lui <seul> possède un palais
dans le monde.
62. [Comment ils représentent le peuple qui obéit au roi.]
Quand ils veulent représenter le peuple qui obéit au roi, ils peignent une abeille. Car seule parmi les animaux, cette
espèce a un roi que suit toute la multitude des abeilles, de même que les hommes obéissent au roi. Étant donnée <la
bonté> du miel et la force du dard de cet animal, ils laissent (ainsi) sous-entendre que le roi est clément mais en
même temps énergique quand il y va de la <justice> et de l'administration.
63. [Comment ils signifient un roi qui règne sur une partie du monde.]
Quand ils veulent signifier un roi qui ne règne pas sur le monde entier, mais (seulement) sur une partie, ils peignent
une moitié de serpent, en représentant le roi au moyen de l'animal, mais coupé en deux parce qu'il (ne règne) pas sur
le monde entier.
64. [Comment ils signifient le tout-puissant.]
Ils signifient le tout-puissant en complétant l'animal et peignant alors un serpent en entier. C'est ainsi que, suivant
eux, l'esprit pénètre le monde entier.
65. [Comment ils représentent un foulon.]
Quand ils veulent représenter un foulon, ils peignent les deux pieds d'un homme dans l'eau. Ils le représentent ainsi,
à cause de la similitude d'action.
66. [Comment ils écrivent le mois.]
Quand ils veulent écrire le mois, ils peignent l'image de la lune comme il a été montré plus haut, (la lunaison) comportant
seulement vingt-huit jours équinoxiaux le jour étant composé de vingt-quatre heures pendant lesquels la
lune se lève, tandis que pendant les deux jours qui restent, elle demeure couchée.
67. [Comment ils signifient un (être) rapace, prolifique ou furieux.]
Quand ils veulent signifier un (être) rapace, prolifique ou furieux, ils peignent un crocodile, parce qu'il est meurtrier,
prolifique et colérique. Car lorsqu'il ne réussit pas à ravir ce qu'il veut, irrité, il se déchaîne contre lui-même.
68. [Comment ils indiquent l'orient.]
Quand ils veulent indiquer le levant, ils peignent deux yeux de crocodile, parce que, de tout le corps, les yeux apparaissent
les premiers (quand il sort) du fond de l'eau.
69. [Comment ils indiquent l'occident.]
Pour indiquer le couchant, ils peignent le crocodile se baissant en avant. Car cet animal (a tendance) à baisser la tête
et à la pencher (? κατωφερες)
70. [Comment ils couvrent d'ombre l'obscurité.]
Quand ils veulent indiquer l'obscurité, ils peignent une queue de crocodile, parce que le crocodile, lorsqu'il s'empare
d'un animal, ne fait rien pour l'abattre et le tuer avant de l'avoir rendu inoffensif en le frappant de sa queue. Car
c'est dans cette partie du crocodile que réside sa force et sa vigueur. Bien qu'il existe encore d'autres symboles appropriés,
empruntés à la nature des crocodiles, ceux qu'il nous a semblé bon de décrire dans ce premier traité peuvent déjà suffire.
[Fin du premier livre de l'interprétation des signes hiéroglyphiques.]
DEUXIÈME LIVRE
DE L'INTERPRÉTATION DES SIGNES HIÉROGLYPHIQUES DES ÉGYPTIENS
D'HORUS APOLLON NILOÜS
Dans ce deuxième traité je te donnerai une interprétation adéquate des autres (signes). J'ai jugé nécessaire d'y joindre
ceux qui proviennent d'autres écrits et qui sont dépourvus d'explication.
[Fin des Hieroglyphica.]