TRADUCTION DES HIEROGLYPHICA

D'HORAPOLLON


par B. VAN DE WALLE & J. VERGOTE

(1943)




ÉTUDE SUR LES HIÉROGLYPHES D'HORUS APOLLON NILOÜS,
PUBLIEE EN LANGUE ÉGYPTIENNE
ET TRADUITE EN GREC PAR PHILIPPE


LIVRE PREMIER.

1. [Comment ils représentent l'éternité.]
a) Pour représenter l'éternité, ils écrivent le soleil et la lune, car ce sont là les principes éternels.
b) S'ils veulent figurer l'éternité d'une autre manière, ils dessinent un serpent, dont la queue est cachée par le reste du corps et que les Égyptiens appellent Uraeus, ce qui correspond au basilic grec. Ils le confectionnent en or et en ceignent (la tête des) dieux. Les Égyptiens disent qu'ils représentent l'éternité au moyen de cet animal parce que, des trois espèces de serpents qui existent, les (deux) autres sont mortelles, mais celle-ci seule est immortelle ; et aussi parce que, quand il lance son souffle contre n'importe quel animal, il tue sans même avoir mordu. Comme il paraît ainsi avoir puissance sur la vie et la mort, ils le placent sur la tête des dieux.

2. [Comment ils représentent l'univers.]
Lorsqu'ils veulent représenter l'univers ils peignent un serpent qui mange sa propre queue et dont le corps est marqué d'écailles variées : par les écailles ils font allusion aux astres qui existent dans l'univers. Cet animal est très lourd, comme la terre, mais aussi très glissant, comme l'eau. Chaque année, dépouillant sa vieillesse il se dévêt (de sa peau) ; de même dans l'univers le temps qui compose une année, ayant opéré une révolution, se renouvelle. Le fait qu'il se sert de son propre corps comme nourriture signifie que toutes les choses qui sont engendrées dans l'univers par la providence divine se dissolvent en elles-mêmes.

3. [Comment ils représentent l'année.]
a) Lorsqu'ils veulent représenter l'année, ils peignent Isis, c'est-à-dire une femme ; ils figurent la déesse au moyen de la même (image). Isis est chez eux une étoile, appelée en égyptien Sothis ; et en grec Astrocyon, qui semble régner sur les autres étoiles, apparaissant tantôt plus grande, tantôt plus petite, tantôt plus brillante, tantôt moins. Aussi, comme nous sommes renseignés suivant le lever de cette. étoile sur les événements qui doivent s'accomplir pendant l'année, ce n'est pas sans raison qu'ils appellent l'année Isis.
b) Ils écrivent encore l'année d'une autre manière en peignant un palmier, parce que cet arbre, seul parmi tous les autres, produit un rameau à (chaque) nouvelle lune, de sorte que l'année correspond à (la poussée de) douze rameaux.

4. [Comment ils représentent le mois.]
Pour écrire le mois, ils peignent un rameau ou la lune dirigée vers le bas
a) Un rameau, pour la raison donnée plus haut à propos du palmier ;
b) La lune dirigée vers le bas, parce qu'ils disent que pendant l'ascension qui comporte 15 parties (= jours), elle présente les cornes dirigées vers le haut et que pendant la descente qui complète le nombre de 30 jours (du mois), elle a les cornes dirigées vers le bas.

5. [Comment ils représentent l'année en cours.]
Quand ils veulent écrire l'année en cours, ils écrivent le quart d'une aroure. L'aroure est une mesure de superficie équivalant à cent coudées. Quand ils veulent dire « l'année », ils disent « le quart » ; car ils prétendent que depuis un lever de l'étoile Sothis jusqu'au lever suivant vient s'ajouter un quart de jour, de façon que l'année du dieu est de 365 jours <et un quart> ; c'est pourquoi les Égyptiens comptent un jour de plus tous les quatre ans, car ces quatre quarts forment un jour (entier).

6. [Ce qu'ils désignent en écrivant un faucon.]
Lorsqu'ils veulent figurer un dieu, la hauteur, l'abaissement, la supériorité, le sang, ou la victoire, [ou Arès ou Aphrodite], ils peignent un faucon :
a) Un dieu, parce que cet animal est prolifique et qu'il a la vie longue ; d'autre part, parce qu'il semble être le symbole du soleil et que mieux qu'aucun autre oiseau, il peut de ses yeux affronter les rayons solaires : aussi, les médecins emploient-ils « l'herbe du faucon » pour soigner les yeux et c'est encore pour ce motif qu'ils (les Égyptiens) représentent parfois le soleil sous la forme du faucon, comme étant le maître de la vue ;
b) La hauteur, parce que les autres animaux (oiseaux), lorsqu'ils veulent monter dans les hauteurs, volent obliquement, étant incapables de se diriger en ligne directe, tandis que le faucon seul vole vers les hauteurs en ligne directe ;
c) L'abaissement, parce que les autres animaux (oiseaux) ne se dirigent pas perpendiculairement vers le bas comme lui, mais se laissent planer obliquement, tandis que le faucon fonce en ligne directe vers le bas ;
d) La supériorité, parce qu'il semble exceller sur tous les oiseaux ;
e) Le sang, parce qu'on dit que cet animal ne boit pas de l'eau mais du sang ;
f) La victoire, parce que cet animal semble vaincre tout (autre) oiseau ; en effet, quand il est menacé par un animal plus fort, alors il s'élève dans les airs de telle manière que ses serres se trouvent au-dessus, tandis que ses ailes et la partie postérieure sont en dessous, et il engage le combat ; dans ces conditions l'animal qui lutte contre lui, ne parvenant pas à faire la même chose, va à la défaite.

7. [Comment ils signifient l'âme.]
On emploie encore le faucon pour (représenter) l'âme en vertu de l'interprétation de son nom. En effet, le faucon s'appelle baiêth chez les Égyptiens et ce nom, si on le dissocie (en ses éléments), désigne l'âme et le coeur : car le bai est l'âme et le (h) êth le coeur ; et le coeur est, suivant les Égyptiens, l'enveloppe de l'âme, de sorte que le nom composé signifie « l'âme dans le coeur ». D'où il se fait aussi que le faucon, ayant des affinités avec l'âme, ne boit absolument pas d'eau mais du sang, dont se nourrit également l'âme.

8. [Comment ils représentent Arès et Aphrodite.]
a) Quand ils veulent écrire Arès et Aphrodite, ils peignent deux faucons, assimilant le mâle à Arès et la femelle à Aphrodite. Car les autres animaux femelles n'obéissent pas au mâle pour chaque accouplement comme le fait le faucon : après qu'elle (la femelle), a été mise à l'épreuve 30 fois par jour et qu'elle s'est retirée, si elle est rappelée par le mâle, elle obéit à nouveau. C'est pourquoi les Égyptiens appellent « Aphrodite » toute femme soumise à son mari, mais ne désignent pas ainsi celle qui n'obéit pas. C'est aussi pour ce motif qu'ils ont consacré le faucon au soleil en effet, tout comme le soleil, il exprime le nombre 30 dans l'accouplement avec la femelle.
b) Ils peuvent encore écrire Arès et Aphrodite en peignant deux corneilles, le mâle et la femelle, parce que cet animal produit deux neufs dont il convient que naissent un mâle et une femelle. Mais quand deux mâles ou deux femelles ont été engendrés, ce qui arrive rarement, les mâles qui ont « épousé » les femelles, ne s'accouplent à aucune autre corneille, ni la femelle à aucune autre corneille (mâle) jusqu'à la mort ; mais ils vivent solitaires, séparés l'un de l'autre. C'est aussi pourquoi les hommes qui rencontrent une corneille isolée en augurent qu'ils ont rencontré un animal veuf ; et c'est en vertu de cette même concorde que les Grecs disent encore maintenant en leurs fêtes nuptiales : « Eccori, Cori, Corone (corneille) » sans comprendre (le sens de ces paroles).

9. [Comment ils représentent le mariage.]
Voulant signifier le mariage, ils peignent également deux corneilles pour la raison exposée (plus haut).

10. [Comment ils représentent ce qui naît seul.]
Voulant signifier ce qui naît seul, ou le devenir, ou le père, ou le monde, ou l'homme (le mâle), ils peignent un scarabée.
a) Ce qui naît seul, parce que cet animal s'engendre de soi-même sans être porté par une femelle. Car il est seul à être engendré de la façon suivante. Lorsque le mâle veut procréer des petits, il prend de la fiente de boeuf et (en) fabrique une boule ayant une forme semblable à celle du monde. Il roule celle-ci de ses parties postérieures du levant au couchant, regardant lui-même vers le levant, afin de reproduire la figure du monde : en effet, celui-ci est porté de l'est vers l'ouest, tandis que le cours des astres est dirigé de l'ouest vers l'est. Ayant donc creusé un trou, il y enterre la boule pour vingt-huit jours, c'est-à-dire le nombre de jours pendant lesquels la lune fait le tour des douze signes du zodiaque. Pendant qu'elle demeure sous terre, la descendance des scarabées prend une forme vivante. Le 29e jour, ayant découvert la boule, le scarabée la jette dans l'eau car on pense que ce jour-là est celui de la conjonction de la lune et du soleil et aussi celui de la naissance du monde. Lorsque celle-ci (la boule) s'est ouverte dans l'eau, les animaux, c'est-à-dire les scarabées, en sortent.
b) Le devenir, pour la raison susdite.
c) Le père, parce que le scarabée tire son origine exclusivement de son père.
d) Le monde, parce que sa naissance est semblable à celle du monde.
e) L'homme (le mâle), parce qu'il n'a pas de descendance féminine. Il y a trois espèces de scarabées. La première ressemble au chat ; elle porte des raies et en raison de ce trait de ressemblance, ils l'ont consacrée au soleil. Car on prétend que le chat mâle modifie les prunelles de ses yeux suivant le cours du soleil : celles-ci s'écarquillent le matin au lever du dieu, elles deviennent rondes au milieu du jour et semblent réduites à l'heure où le soleil va se coucher ; c'est aussi pourquoi la statue du dieu qui se trouve à Héliopolis a la forme d'un chat. Tout scarabée a également 30 doigts à cause des 30 jours du mois pendant lesquels le soleil se lève et fait sa course. La deuxième espèce a deux cornes et ressemble au taureau ; elle est aussi consacrée à la lune ; c'est pourquoi les enfants des Égyptiens disent que le taureau céleste représente le sommet de la puissance de la déesse. La troisième espèce n'a qu'une corne et ressemble à un ibis ; ils croient qu'elle se rapporte à Hermès tout comme l'oiseau (appelé) ibis.

11. [Ce qu'ils signifient en dessinant le vautour.]
Lorsqu'ils veulent écrire la mère, la vue, la limite, la prescience, l'année, la (voûte) céleste, le miséricordieux, Athéna, Héra, ou deux drachmes, ils peignent un vautour.
a) La mère, parce qu'il n'existe pas de mâle dans cette espèce d'oiseaux. Or voici comment ils sont engendrés. Lorsque le vautour (femelle) désire concevoir, il ouvre sa vulve dans la direction du vent du nord et se laisse féconder par celui-ci pendant cinq jours, durant lesquels il ne prend ni aliment ni nourriture, tant est ardent son désir de procréer. Il y a encore d'autres espèces d'oiseaux qui conçoivent du vent, mais dont les neufs ne sont bons qu'à être mangés et non à produire des êtres vivants ; mais lorsque les vautours sont fécondés par le vent, les neufs qui en proviennent produisent des êtres vivants.
b) La vue, parce que le vautour a la vue plus perçante qu'aucun autre animal ; il regarde vers le couchant quand le soleil se lève et vers le levant quand le soleil se couche, découvrant à une très grande distance ce dont il a besoin pour sa nourriture.
c) Le terme, parce que, lorsqu'une guerre va arriver à sa fin, il détermine l'endroit où le combat aura lieu et s'y trouve déjà sept jours auparavant.
d) La prescience, soit pour la raison susdite, soit parce que, assistant à une lutte ou à une partie de chasse, il dirige son regard vers l'endroit où il y a le plus de tués et de défaits, se réservant sa part de nourriture sur les cadavres. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les anciens rois envoyaient des observateurs qui devaient examiner de quel côté du champ de bataille les vautours dirigeaient le regard, indiquant ainsi ceux qui auraient le dessous.
e) L'année, parce que cet animal distribue son année en 365 jours qui font la durée de l'année (civile). Pendant 120 jours il fait sa gestation, pendant 120 autres jours il nourrit ses petits et pendant les 120 jours qui restent, il prend soin de lui-même sans être en gestation et sans nourrir (de petits) et il se prépare à une nouvelle conception ; quand aux 5 jours qui restent, il les consacre à se laisser féconder par le vent, comme je l'ai déjà dit plus haut.
f) Le miséricordieux, ce qui semblera paradoxal aux yeux de certains, puisque cet animal tue tout. Mais ils étaient obligés d'employer cette image parce que pendant les 120 jours, durant lesquels il nourrit ses petits, il ne vole plus mais demeure absorbé par ses petits et par les soins de leur alimentation. Lorsqu'il n'a pas de nourriture à offrir à ses petits, il coupe sa propre cuisse et procure ainsi à ses enfants du sang (à boire), pour qu'ils ne périssent pas faute de nourriture.
g) Athéna et Héra, parce que, suivant l'opinion des Égyptiens, Athéna a reçu (en partage) l'hémisphère supérieur du ciel, et Héra l'(hémisphère) inférieur. C'est pourquoi ils estiment qu'il est absurde de désigner le ciel comme étant masculin, mais (ils le désignent) comme un féminin : « la ciel », parce que la naissance du soleil, de la lune et des autres astres s'accomplit en lui et que c'est là une activité féminine. La race des vautours ne comporte, comme je l'ai dit plus haut, que des femelles ; c'est pour cette raison que les Égyptiens placent sur (la tête de) tout personnage féminin un vautour en guise d'attribut royal. Par conséquent [les Égyptiens] <s'en servent pour représenter> toute déesse, mais il ne faut pas que j'allonge mon exposé en traitant de chacune d'elles.
h) [Or, voulant signifier la mère, ils peignent un vautour, car il est la mère d'animaux femelles]. La (voûte) céleste, car comme je l'ai dit plus haut, il ne leur plaît pas de dire le ciel, parce que ces (éléments) tirent leur origine de là.
i) Deux drachmes, parce que chez les Égyptiens les deux drachmes constituent l'unité, celle-ci étant à l'origine de tout nombre. Ainsi donc ont-ils raison quand, voulant indiquer deux drachmes, ils écrivent le vautour, puisque celui-ci semble être la mère et l'origine, comme l'est aussi l'unité.

12. [Comment ils écrivent Héphaistos <et Athéna>.]
Quand ils veulent écrire Héphaistos, ils peignentt un scarabée et un vautour, mais quand ils veulent écrire Athéna, ils peignent un vautour et un scarabée : [car, suivant leurs conceptions, le monde se compose d'un élément mâle et d'un élément femelle ; <pour Héphaistos qui est un mâle> ils écrivent le scarabée, et pour Athéna ils écrivent le vautour] ; car suivant eux, seuls parmi les dieux ceux-ci sont mâle et femelle (à la fois).

13. [Ce qu'ils signifient en écrivant une étoile.]
Voulant désigner le dieu de l'univers, ou le destin, ou le nombre 5, ils peignent une étoile.
a) Dieu, parce que la providence divine décerne la victoire, par laquelle s'accomplit le mouvement des astres et du monde entier ; car il leur semble que rien ne peut avoir une existence séparément de Dieu.
b) Le destin, parce que celui-ci dépend aussi de la disposition des astres.
c) Le nombre 5, parce que, malgré qu'il y a foison (d'étoiles) dans le ciel, cinq d'entre elles seulement réalisent par leur mouvement l'ordonnance de l'univers.

14. [Ce qu'ils signifient en écrivant un cynocéphale.]
Voulant écrire la lune, ou le (monde) habité, ou l'écriture, ou le prêtre, ou la colère, ou la nage, ils peignent un cynocéphale.
a) La lune, parce que cet animal entre dans un certain rapport avec la conjonction du dieu : en effet, lorsque la lune, étant entrée en conjonction avec le soleil, est dépourvue de lumière pendant la fraction d'une heure déterminée, alors le cynocéphale mâle ne voit ni ne mange plus, il est déprimé et s'incline vers le sol comme s'il déplorait l'enlèvement de la lune. Quant à la femelle, non seulement elle ne voit plus et éprouve la même chose que le mâle, mais de plus elle perd du sang par ses parties génitales. C'est pourquoi jusqu'à ce jour on élève des cynocéphales dans les temples afin de connaître par eux le moment de la conjonction du soleil et de la lune.
b) Le (monde) habité, parce que, à les en croire, le (monde) habité comprend 72 anciennes régions et que ces (cynocéphales) qui sont nourris dans les temples et y sont l'objet de soins, ne meurent pas en un jour, comme les autres animaux ; mais une partie de ceux-ci meurt chaque jour et est embaumée par les prêtres tandis que le reste du corps garde sa nature (normale). Et ce n'est que lorsque les 72 jours sont accomplis qu'il est entièrement mort.
c) L'écriture, parce qu'il existe une espèce de cynocéphales qui sait (écrire) les lettres égyptiennes. Aussi, lorsqu'un cynocéphale est conduit pour la première fois au temple, le prêtre lui présente une tablette, un jonc et de l'encre pour voir s'il appartient à l'espèce qui sait écrire et s'il écrit. Au reste cet animal est mis en relation avec Hermès qui s'occupe de tout ce qui a trait à l'écriture.
d) Le prêtre, parce que, de sa nature, le cynocéphale ne mange pas de poisson, ni même du pain fait avec du poisson, tout comme les prêtres. Il naît circoncis et les prêtres pratiquent également la circoncision.
e) La colère, parce que cet animal est plus irritable et plus colérique qu'aucun autre.
f) La nage, parce que, alors que les autres animaux qui pratiquent la natation ont l'air dégoûtant, lui seul arrive en nageant jusqu'à l'endroit qu'il désire atteindre sans être couvert de crasse.

15. [Comment ils écrivent le lever de la lune.]
Voulant écrire le lever (mensuel) de la lune, ils peignent encore un cynocéphale dans l'attitude que voici : il est debout et lève les mains au ciel, et il porte sur la tête un insigne royal. Ils représentent (ainsi) l'attitude que prend le cynocéphale au lever (de la lune) alors qu'il rend en quelque sorte grâces à la déesse parce que tous les deux ont bénéficié de la lumière (solaire).

16. [Comment ils écrivent les deux équinoxes.]
D'autre part, lorsqu'ils veulent signifier les deux équinoxes, ils peignent un cynocéphale assis : car aux deux équinoxes de l'année celui-ci urine douze fois par jour, (à savoir) à chaque heure, et il fait la même chose pendant ces deux nuits. Aussi n'est-ce pas sans raison que les Égyptiens sculptent sur leurs clepsydres un cynocéphale assis et font couler l'eau de son membre, car, comme je l'ai dit plus haut, il indique les douze heures de l'équinoxe. Mais afin que le (filet d') eau ne soit ni trop large ni trop mince en sortant de cet appareil <automatique> grâce auquel l'eau donne la mesure du temps car on a besoin des deux (filets différents) étant donné que, s'il est trop large, il évacue l'eau trop rapidement et ne donne pas exactement la mesure de l'heure, et s'il est trop mince, il épuise petit à petit et lentement le réservoir ils font passer jusqu'à la queue un canal capillaire et ils adaptent à l'épaisseur de celui-ci, d'après la nécessité du moment, une (aiguille de) fer. Il leur plaît d'agir ainsi non sans avoir une raison pour cela, comme pour toutes les autres choses. C'est aussi parce qu'aux équinoxes, seul parmi les animaux, il pousse, un cri douze fois par jour, à raison d'une fois par heure.

17. [Comment ils représentent l'ardeur.]
Quand ils veulent représenter l'ardeur, ils peignent un lion. En effet, cet animal a une grande tête, des pupilles enflammées, la face arrondie et autour de celle-ci, des poils rayonnants, à la ressemblance du soleil. C'est pourquoi ils placent des lions sous le trône d'Horus, marquant (ainsi) le trait de ressemblance entre le dieu et l'animal. Le soleil est (appelé) Horus parce qu'il a puissance sur les heures (ωραι).

18. [Comment ils écrivent la vigueur.]
Voulant écrire la vigueur, ils peignent la partie antérieure du lion, parce que chez celui-ci cette partie du corps est la plus vigoureuse.

19. [Comment ils écrivent celui qui veille.]
Voulant écrire celui qui veille, ou bien le gardien, ils dessinent une tête de lion, parce que le lion ferme les yeux quand il veille et les tient ouverts quand il dort, ce qui est le signe qu'il fait bonne garde. C'est pourquoi ils mettent des lions aux serrures des temples pour symboliser des gardiens.

20. [Comment ils représentent ce qui est effrayant.]
Voulant représenter ce qui est effrayant, ils emploient le même signe, parce que cet animal, étant le plus vaillant, porte à la crainte tous ceux qui l'aperçoivent.

21. [Comment ils représentent la crue du Nil.]
Voulant représenter la crue du Nil, qu'ils appellent en égyptien Noun, ce qui signifie « nouveau » en traduction, ils dessinent tantôt un lion, tantôt trois grands vases à eau, tantôt le ciel et la terre qui font jaillir de l'eau.
a) Un lion, parce-que le soleil, lorsqu'il est en conjonction avec le Lion, rend plus abondante la crue du Nil, de sorte que, lorsqu'il demeure dans cette constellation (au-delà du temps normal), la nouvelle eau atteint souvent le double du débit ordinaire. C'est pourquoi les anciens préposés aux travaux des temples fabriquaient les caniveaux et les conduits des fontaines sacrées en forme de lion.
† C'est aussi la raison pour laquelle, jusqu'à ce jour, ils <font passer> le vin à travers les lions en accomplissement du voeu (qu'ils font) lorsqu'il y a surabondance de liquide et qu'elle reste stagnante dans <les canaux d'irrigation> des champs.
b) Trois vases à eau [ou bien le ciel et la terre qui fait jaillir de l'eau] en comparant le <Noun> à un coeur muni d'une langue : à un coeur, parce que, suivant eux, il est la partie qui guide le corps, de même que c'est le Nil qui préside à l'Égypte ; à une langue, parce que, comme elle demeure toujours dans l'humidité, ils l'appellent la productrice de l'existence trois vases, ni plus ni moins, parce que, suivant eux, la crue est produite par trois facteurs : ils voient l'un dans la terre d'Égypte qui est d'elle-même productrice d'eau ; le deuxième dans l'océan, car lui aussi amène de l'eau en Égypte au moment de la crue ; le troisième, dans les pluies qui tombent dans, les régions méridionales de l'Éthiopie vers l'époque de la crue du Nil. Voici comment on peut se rendre compte que l'Égypte produit de l'eau. Dans toutes les autres régions du monde, les inondations des fleuves, se produisant à cause des pluies continuelles, ont lieu pendant l'hiver ; mais seul le pays des Égyptiens, qui est au milieu de l'univers, comme ce qu'on appelle la pupille dans l'oeil, provoque par lui-même l'inondation pendant l'été.

22. [Comment ils écrivent l'Égypte.]
Lorsqu'ils veulent écrire l'Égypte, ils peignent un encensoir ardent et, au-dessus (de celui-ci), un coeur, pour indiquer que, de même que le coeur du jaloux brûle toujours, de même l'Égypte, à cause de la chaleur (qui y règne), produit continuellement les êtres vivants qui existent en elle ou autour d'elle.

23. [Comment ils signifient un homme qui n'a pas quitté son pays.]
Voulant signifier un homme qui n'a pas quitté son pays, ils peignent un (personnage) à tête d'âne, parce qu'il n'écoute aucun récit et n'a pas idée de ce qui se passe à l'étranger.

24. [Comment ils écrivent une amulette.]
Voulant écrire une amulette, ils peignent deux têtes humaines, la tête d'homme regardant vers l'intérieur et la tête de femme vers l'extérieur ; car ainsi, disent-ils, aucun des (mauvais) génies ne les atteindra, parce que, même sans employer des lettres, ils se constituent une protection au moyen des deux têtes.

25. [Comment ils écrivent un homme non encore formé.]
Voulant écrire un homme qui n'est pas encore formé, ils peignent une grenouille, parce que celle-ci est engendrée par le limon du fleuve. Aussi arrive-t-il qu'elle apparaisse ayant (déjà) une partie (du corps) en forme de grenouille tandis que pour le reste elle ressemble encore à de la boue, de façon qu'elle disparaît aussitôt que le fleuve rentre dans son lit.

26. [Comment ils représentent l'(idée d')ouvrir.]
Voulant représenter l'(idée d')ouvrir, ils peignent un lièvre, parce que cet animal a toujours les yeux ouverts.

27. [Comment ils écrivent la parole.]
a) Voulant écrire la parole, ils peignent une langue et un oeil injecté de sang, assignant dans le langage la prééminence à la langue et le rôle secondaire aux yeux. Car c'est ainsi que les mots sont en parfaite conformité avec l'âme, variant suivant les mouvements de celle-ci.
b) [Comment le langage est exprimé d'une autre manière par les Égyptiens.]
Voulant signifier la parole d'une autre manière, ils écrivent la langue avec une main en dessous, estimant que le rôle primordial dans le discours revient à la langue et l'activité complémentaire à la main, étant donné que celle-ci complète les intentions de la langue.

28. [Comment ils écrivent l'aphonie.]
Voulant écrire l'aphonie, ils écrivent le nombre 1095 qui représente le nombre de jours renfermé dans trois années, l'année se composant de 365 jours. Si au bout de ce temps un enfant ne parle pas, on le considère comme ayant la langue entravée.

29. [Comment ils représentent une voix lointaine.]
Voulant représenter une voix (qui se fait entendre) de loin, ce qui se dit en égyptien ouaie, ils écrivent la voix de l'air, c'est-à-dire le tonnerre, dont rien ne surpasse la force et l'intensité.

30. [Comment ils écrivent l'antiquité d'origine.]
Voulant écrire l'antiquité d'origine, ils peignent une botte de papyrus, indiquant par là les premiers aliments. Car personne ne pourrait découvrir le début de l'alimentation ou de la génération.

31. [Comment ils indiquent l'action de goûter.]
Voulant indiquer l'action de goûter, ils peignent la partie antérieure de la bouche, parce que toute (sensation de) goût est conservée jusque-là, je veux dire (une sensation) de goût parfaite. Mais voulant indiquer une (sensation de) goût imparfaite, ils peignent la langue sur les dents parce que toute (sensation de) goût s'accomplit par le moyen de celles-ci.

32. [Comment ils représentent la volupté.]
Quand ils veulent représenter la volupté, ils écrivent le nombre 16, car c'est à partir de ce nombre d'années que les hommes commencent à avoir commerce avec les femmes et à engendrer des enfants.

33. [Comment ils représentent la copulation.]
Voulant représenter la copulation, ils écrivent deux fois le nombre 16. Comme nous avons dit que 16 signifiait la volupté et que, d'autre part, la copulation suppose deux voluptés, celle de l'homme et celle de la femme, ils écrivent un autre (nombre) 16 à côté du premier.

34. [Comment ils écrivent une âme qui demeure longtemps (dans ce monde).]
Voulant écrire une âme qui demeure longtemps ici-bas, ou bien l'inondation, ils peignent l'oiseau (appelé) phénix.
a) L'âme, parce que cet animal atteint un âge plus avancé qu'aucun autre dans l'Univers.
b) L'inondation, parce que le phénix est le symbole du soleil que rien ne surpasse en grandeur dans (tout) l'Univers. Car le soleil monte plus haut que toute chose et scrute tout, et c'est pourquoi il est appelé « <celui qui a des yeux> multiple<s> ».

35. [Comment ils représentent celui qui revient tardivement de l'étranger.]
De même, pour représenter celui qui revient tardivement de l'étranger, ils écrivent également l'oiseau (appelé) phénix. Car celui-ci se rend en Égypte quand vient le moment où le destin va l'atteindre, après chaque intervalle de cinq cents ans, et lorsque, dans le cas où il a devancé (le destin), il s'est acquitté (envers celui-ci) à l'intérieur de l'Égypte, on lui rend en secret les devoirs funèbres, et il faut qu'on rende au phénix tous (les honneurs) que les Égyptiens rendent aux autres animaux sacrés. Car on dit qu'il se réjouit plus du soleil parmi les Égyptiens que parmi les autres hommes. C'est aussi la raison pour laquelle le Nil déborde en leur faveur sous la chaleur de ce dieu, au sujet duquel tu trouveras notre exposé un peu plus haut.

36. [Comment ils écrivent le coeur.]
Quand ils veulent écrire le coeur, ils peignent un ibis. Car cet animal est mis en relation avec Hermès, le seigneur de tout coeur et de tout raisonnement ; et aussi parce que l'ibis a en lui-même une similitude avec le coeur, au sujet de laquelle les Égyptiens rapportent de nombreux récits.

37. [Comment ils écrivent l'éducation.]
Voulant écrire l'éducation, ils peignent la rosée tombant du ciel, indiquant que, de même que la rosée qui descend se répand sur toutes les plantes et amollit celles qui ont la faculté de s'amollir, mais est incapable d'obtenir le même résultat pour celles qui, de par leur nature, restent dures, ainsi aussi chez les hommes, l'éducation est un bien commun, mais celui qui a d'heureuses dispositions la recueille avidement, comme une rosée, tandis que celui qui n'est pas doué est incapable d'en faire autant.

38. [Comment ils désignent l'écriture égyptienne.]
Quand ils désignent les lettres égyptiennes, l'hiérogrammate, ou le terme, ils peignent l'encre, le crible et le jonc.
a) L'écriture égyptienne, parce que tout ce qui s'écrit chez les Égyptiens est tracé au moyen de ces instruments. En effet, ils écrivent - au moyen du jonc et avec rien d'autre. Le crible, parce que le crible, qui est le premier ustensile pour faire le pain, se fabrique au moyen du jonc ; ils signifient donc que celui qui a de quoi manger apprendra à écrire, mais que celui qui n'a pas de quoi (se nourrir) s'adonnera à un autre métier. C'est aussi pourquoi l'instruction s'appelle sbô chez eux, ce qui signifie en traduction « une nourriture suffisante ».
b) L'hiérogrammate, parce que celui-ci diagnostique la vie et la mort. Les hiérogrammates possèdent même un livre sacré, appelé Ambrês, d'après lequel ils diagnostiquent si le malade alité peut vivre ou non, et ils donnent cette indication suivant la façon dont le malade est couché.
c) Le terme, parce que celui qui sait écrire est arrivé au port paisible de la vie et qu'il ne doit plus errer çà et là à cause des revers (de l'existence).

39. [Comment ils écrivent l'hiérogrammate.]
Quand ils veulent écrire différemment l'hiérogrammate, ou le prophète, ou l'embaumeur, ou la rate, ou l'odorat, ou le rire, ou l'éternûment, [ou la magistrature, ou le juge], ils peignent un chien.
a) L'hiérogrammate, parce que celui qui veut devenir un parfait hiérogrammate doit s'exercer souvent à la récitation, crier continuellement et avoir un air sauvage, sans montrer de complaisance pour personne, comme les chiens.
b) Le prophète, parce que le chien regarde avec plus d'attention que les autres animaux les images des dieux, comme (le fait) le prophète.
c) L'embaumeur des animaux sacrés, parce que lui aussi regarde les animaux sacrés, dépouillés et découpés, auxquels il doit rendre les devoirs funèbres.
d) La rate, parce que, de tous les animaux, le chien a la rate la plus légère. S'il est touché par la mort ou atteint de la rage, c'est la rate qui en est la cause, et ceux qui s'occupent de cet animal lorsqu'on l'ensevelit deviennent pour la plupart hypocondriaques au moment de mourir ; car en aspirant les exhalaisons du chien ils en subissent l'infection.
e) L'odorat, le rire et l'éternûment, parce que ceux qui sont gravement atteints d'hypocondrie ne peuvent ni sentir, ni rire, ni éternuer.

40. [De quelle manière ils représentent la magistrature ou le juge.]
Lorsqu'ils veulent écrire la magistrature ou le juge, ils ajoutent encore au chien un vêtement royal qu'ils placent à côté de lui, [une figure nue] ; parce que, de même que le chien regarde fixement les images des dieux, comme nous l'avons dit plus haut, ainsi aussi le magistrat, qui était juge dans les temps plus anciens, voyait le roi nu. C'est pour cette raison qu'ils placent auprès de lui le vêtement royal.

41. [Comment ils désignent le pastophore.]
Quand ils veulent désigner le pastophore, ils peignent le gardien de la maison, parce que c'est lui qui garde le temple.

42. [Comment ils représentent l'horoscope.]
Quand ils veulent représenter l'horoscope, ils peignent un homme qui mange les heures, non point que l'homme mange les heures, ce qui est impossible, mais parce que les heures procurent les aliments aux hommes.

43. [Comment ils représentent la pureté.]
Quand ils veulent écrire la pureté ; ils peignent le feu et l'eau, parce que c'est au moyen de ces éléments que l'on accomplit toute purification.

44. [Comment ils figurent l'iniquité et la souillure.]
Quand ils veulent représenter l'iniquité ou la souillure, ils peignent un poisson, parce que le fait de manger du poisson leur est en horreur et les met dans un état de souillure pour les rites sacrés. Car tout poisson est ventrem solvens (?) et mange son semblable.

45. [Comment ils écrivent la bouche.]
Quand ils veulent écrire la bouche, ils peignent un serpent, parce que le serpent n'a aucun membre solide si ce n'est la bouche.

46. [Comment ils désignent la virilité avec tempérance.]
Quand ils veulent désigner la virilité avec tempérance, ils peignent un taureau doué, d'une nature saine. Car cet animal a le membre très chaud, de sorte qu'ayant une fois engagé son membre dans la vulve de la femelle, il éjecte son sperme sans faire aucun mouvement ; mais si parfois il manque la vulve et s'il applique son membre à une autre partie du corps de la vache, alors il blesse la femelle par un effort trop violent. Mais d'autre part, il est tempérant en ce qu'il ne couvre jamais la femelle après qu'elle a conçu.

47. [Comment ils écrivent l'ouïe.]
Quand ils veulent écrire l'ouïe, ils peignent une oreille de taureau. Car lorsque la femelle désire concevoir - et son ardeur ne dure pas plus de trois heures - elle mugit très fort et, si au bout de ce temps le taureau n'est pas venu, elle referme la vulve jusqu'à l'union suivante. Mais ce cas ne se présente que rarement. En effet, le taureau entend à grande distance et, se rendant compte qu'elle est en chaleur, il arrive en courant en vue de la saillie, étant seul à faire cela contrairement aux autres animaux.

48. [Comment ils représentent le membre viril d'un homme prolifique.]
Quand 'ils veulent représenter le membre viril d'un homme prolifique, ils peignent un bouc et non pas un taureau. Car ce dernier ne saillit pas avant d'avoir un an, tandis que le bouc. s'accouple dès qu'il est âgé d'une semaine. Il n'émet, il est vrai, qu'un sperme stérile et dépourvu de germes fécondants, mais il saillit quand même plus tôt que tous les autres animaux.

49. [Comment ils représentent l'impureté.]
Quand ils veulent écrire l'impureté, ils peignent un oryx, parce que, au moment où la lune commence à se lever, il regarde fixement la déesse et pousse un cri, mais sans l'intention de la célébrer ou de l'acclamer. En voici la preuve la plus manifeste : il creuse le sol de ses pattes de devant et roule ses yeux comme s'il était fâché et ne voulait pas voir le lever de la déesse. Il fait d'ailleurs la même chose au moment du lever de l'astre divin qu'est le soleil. C'est pourquoi les anciens rois, lorsque l'horoscope leur signalait le lever (de l'astre), se plaçaient auprès de l'animal, et tâchaient de connaître exactement le lever par le moyen de l'oryx, comme (on le fait) avec certains gnomons. C'est encore la raison pour laquelle les bêtes de cette espèce sont les seules que les prêtres mangent sans qu'elles ne soient marquées, parce qu'il semble y avoir un certain antagonisme entre elles et la déesse. En effet, si l'oryx atteint une source dans le désert, il la trouble de ses lèvres en y buvant, il mélange l'eau avec les matières (sédimentaires) et y envoie de la poussière au moyen de ses pattes afin qu'elle soit imbuvable pour tout autre animal. C'est donc à ce point que la nature de l'oryx est réputée perverse et nuisible, car il ne fait même pas cela (c'est-à-dire boire) d'une manière convenable, alors que la déesse elle-même crée et augmente tout ce qu'il y a d'utile dans le monde.

50. [Comment ils désignent la destruction.]
Quand ils veulent désigner la destruction, ils peignent une souris, parce que, en mangeant toute chose, elle souille et corrompt (tout). Ils emploient le même signe lorsqu'ils veulent écrire la sélection. Car lorsque la souris a devant elle beaucoup des pains différents, elle choisit comme nourriture le plus pur d'entre eux ; c'est pourquoi les boulangers font leur choix en s'inspirant (de la manière de faire) des souris.

51. [Comment ils représentent l'effronterie.]
Quand ils veulent représenter l'effronterie, ils peignent une mouche ; celle-ci, malgré qu'on la chasse continuellement, n'en revient pas moins.

52. [Comment ils écrivent la sagacité.]
Quand ils veulent écrire la sagacité, ils peignent une fourmi. Car elle connaît même ce qu'un homme a mis en sûreté dans une cachette ; ce n'est pas seulement (pour cette raison) mais aussi parce que, contrairement aux autres animaux, quand elle prépare ses provisions pour l'hiver, elle ne se trompe pas d'endroit mais y arrive sans se fourvoyer.

53. [Comment ils écrivent le fils.]
Quand ils veulent écrire le fils, ils peignent une oie. Car cet animal montre le plus d'affection pour ses petits ; et si quelqu'un venait à en poursuivre une pour la prendre avec ses petits, le père et la mère s'offrent spontanément aux chasseurs pour que leurs petits soient sauvés. C'est pour cette raison que les Égyptiens ont jugé bon de vénérer cet animal.

54. [Comment ils signifient l'insensé.]
Lorsqu'ils écrivent le pélican, ils signifient l'insensé et l'imprudent. En effet, malgré qu'il puisse déposer ses neufs dans des endroits assez élevés, comme les autres oiseaux, il n'en fait rien ; mais il creuse la terre et y dépose ses petits. Les hommes, sachant cela, placent tout autour du fumier desséché de boeuf et y mettent le feu. Lorsque le pélican aperçoit la fumée, il veut éteindre le feu au moyen de ses ailes mais il arrive au contraire à l'animer par ce mouvement, de manière qu'il a les ailes brûlées par le feu et devient une proie facile pour les chasseurs. C'est pour cette raison que les prêtres n'ont pas l'habitude d'en manger parce que, en réalité, il entreprend cette lutte pour ses petits. Mais les autres Égyptiens en mangent, disant que le pélican n'entreprend pas le combat d'une manière sensée, comme l'oie, mais d'une manière irréfléchie.

55. [Comment ils représentent la gratitude.]
Quand ils veulent écrire la gratitude, ils peignent une huppe. Car c'est le seul des êtres privés de parole qui, ayant été soigné par ses' parents, leur rend le même service quand ils sont devenus vieux. Elle leur prépare un nid à l'endroit où elle-même a été nourrie, elle leur arrache les plumes et leur procure des aliments jusqu'à ce que les plumes des parents aient repoussé et qu'ils puissent subvenir euxmêmes à leurs besoins. C'est pourquoi on donne la préférence à la huppe pour (orner) les sceptres des dieux.

56. [Comment ils représentent l'injuste et l'ingrat.]
(Voulant) au contraire (représenter) l'injuste et l'ingrat, ils écrivent deux ongles d'hippopotame dirigés vers le bas. Car celui-ci, devenu adulte, met son père à l'épreuve pour voir s'il est plus fort que lui au combat. Si son père doit abandonner la lutte et lui céder la place, il (le fils) s'approche de sa propre mère pour s'unir à elle et lui laisse la vie sauve (c'est-à-dire à son père). Mais si le père ne lui permet pas d'accomplir son union avec sa mère, alors il le tue, profitant de ce qu'il est le plus vaillant et le plus robuste. A la partie inférieure, il y a deux ongles d'hippopotame, afin que les hommes qui voient cela et qui connaissent ce qu'on rapporte à ce sujet, soient davantage portés à bien faire.

57. [Comment ils signifient celui qui est ingrat envers ses bienfaiteurs.]
Quand ils veulent signifier celui qui est ingrat et animé de sentiments hostiles envers ses bienfaiteurs, ils peignent un pigeon. Car le mâle, quand il est devenu fort, chasse son père d'auprès de sa mère et contracte ainsi une union avec celle-ci. Cet animal semble être pur ; car, lorsque la peste règne et que tout ce qui est animé ou inanimé est d'un effet contagieux <sur> ceux qui (en) mangent, lui seul n'est pas atteint du mal. C'est la raison pour laquelle on ne présente au roi, pendant (tout) ce temps, rien d'autre à manger que des pigeons. (L'on présente) aussi la même chose à ceux qui doivent être dans un état de pureté parce qu'ils sont au service des dieux. On rapporte que cet animal n'a pas de bile.

58. [Comment ils désignent une chose impossible.]
Quand ils veulent désigner une chose impossible, ils peignent les pieds. d'un homme se promenant dans l'eau ; et lorsqu'ils désirent signifier la même chose d'une autre manière, ils peignent un homme qui se promène sans tête. Comme ces deux choses sont impossibles, c'est à bon droit qu'ils les ont choisies à cette fin.

59. [Comment ils représentent un roi très puissant.]
Quand ils veulent représenter un roi très puissant, ils peignent un serpent disposé comme (pour figurer) l'univers et ils lui mettent la queue dans la bouche. Ils écrivent le nom du roi au milieu de l'enroulement, donnant à entendre par cette graphie que le roi régit l'univers. Le nom que les Égyptiens donnent au serpent est meisi.

60. [Comment ils représentent le roi gardien.]
Si d'autre part ils veulent désigner le roi (en tant que) gardien, ils peignent le serpent vigilant ; mais à la place du nom du roi ils dessinent un gardien. Car il est le gardien de l'univers entier et que le roi soit vigilant à toute occasion.

61. [Comment ils indiquent le maître du monde.]
Enfin quand ils conçoivent et désignent le roi (en tant que) souverain du monde, ils peignent encore le serpent ; mais ils notent à l'intérieur de celui-ci « grande maison » et (ceci) avec raison : car lui <seul> possède un palais dans le monde.

62. [Comment ils représentent le peuple qui obéit au roi.]
Quand ils veulent représenter le peuple qui obéit au roi, ils peignent une abeille. Car seule parmi les animaux, cette espèce a un roi que suit toute la multitude des abeilles, de même que les hommes obéissent au roi. Étant donnée <la bonté> du miel et la force du dard de cet animal, ils laissent (ainsi) sous-entendre que le roi est clément mais en même temps énergique quand il y va de la <justice> et de l'administration.

63. [Comment ils signifient un roi qui règne sur une partie du monde.]
Quand ils veulent signifier un roi qui ne règne pas sur le monde entier, mais (seulement) sur une partie, ils peignent une moitié de serpent, en représentant le roi au moyen de l'animal, mais coupé en deux parce qu'il (ne règne) pas sur le monde entier.

64. [Comment ils signifient le tout-puissant.]
Ils signifient le tout-puissant en complétant l'animal et peignant alors un serpent en entier. C'est ainsi que, suivant eux, l'esprit pénètre le monde entier.

65. [Comment ils représentent un foulon.]
Quand ils veulent représenter un foulon, ils peignent les deux pieds d'un homme dans l'eau. Ils le représentent ainsi, à cause de la similitude d'action.

66. [Comment ils écrivent le mois.]
Quand ils veulent écrire le mois, ils peignent l'image de la lune comme il a été montré plus haut, (la lunaison) comportant seulement vingt-huit jours équinoxiaux – le jour étant composé de vingt-quatre heures – pendant lesquels la lune se lève, tandis que pendant les deux jours qui restent, elle demeure couchée.

67. [Comment ils signifient un (être) rapace, prolifique ou furieux.]
Quand ils veulent signifier un (être) rapace, prolifique ou furieux, ils peignent un crocodile, parce qu'il est meurtrier, prolifique et colérique. Car lorsqu'il ne réussit pas à ravir ce qu'il veut, irrité, il se déchaîne contre lui-même.

68. [Comment ils indiquent l'orient.]
Quand ils veulent indiquer le levant, ils peignent deux yeux de crocodile, parce que, de tout le corps, les yeux apparaissent les premiers (quand il sort) du fond de l'eau.

69. [Comment ils indiquent l'occident.]
Pour indiquer le couchant, ils peignent le crocodile se baissant en avant. Car cet animal (a tendance) à baisser la tête et à la pencher (? κατωφερες)

70. [Comment ils couvrent d'ombre l'obscurité.]
Quand ils veulent indiquer l'obscurité, ils peignent une queue de crocodile, parce que le crocodile, lorsqu'il s'empare d'un animal, ne fait rien pour l'abattre et le tuer avant de l'avoir rendu inoffensif en le frappant de sa queue. Car c'est dans cette partie du crocodile que réside sa force et sa vigueur. Bien qu'il existe encore d'autres symboles appropriés, empruntés à la nature des crocodiles, ceux qu'il nous a semblé bon de décrire dans ce premier traité peuvent déjà suffire.

[Fin du premier livre de l'interprétation des signes hiéroglyphiques.]


 

DEUXIÈME LIVRE
DE L'INTERPRÉTATION DES SIGNES HIÉROGLYPHIQUES DES ÉGYPTIENS
D'HORUS APOLLON NILOÜS

Dans ce deuxième traité je te donnerai une interprétation adéquate des autres (signes). J'ai jugé nécessaire d'y joindre ceux qui proviennent d'autres écrits et qui sont dépourvus d'explication.




1. [Ce qu'ils signifient quand ils dessinent un astre.]
Lorsque les Égyptiens dessinent un astre, ils signifient par là tantôt le dieu, tantôt le crépuscule, tantôt la nuit, tantôt le temps, tantôt l'âme d'un homme mâle.

2. [Ce qu'ils signifient en dessinant le petit d'un aigle.]
Le petit d'un aigle signifie celui qui engendre des mâles et ce qui est rond, <de même aussi un phallus en érection> ou le sperme d'un homme.

3. [Ce qu'ils signifient en traçant deux pieds réunis arrêtés en (pleine) marche.]
Deux pieds réunis arrêtés en (pleine) marche indiquent la course du soleil au solstice d'hiver.

4. [Ce qu'ils signifient en traçant le coeur humain suspendu à la trachée.]
Le coeur de l'homme suspendu à la trachée signifie la bouche d'un homme de bien.

5. [Comment (ils représentent) le feu du combat.]
Pour représenter le feu du combat, ils peignent des mains d'homme, dont l'une tient le bouclier, l'autre la flèche.

6. [Ce qu'ils signifient en traçant un doigt.]
Le doigt représente l'estomac de l'homme.

7. [Ce qu'ils signifient en figurant les parties honteuses prises dans la main.]
Les parties honteuses prises dans la main représentent la tempérance de l'homme.

8. [Comment ils représentent la maladie.]
Les fleurs de l'anémone représentent la maladie de l'homme.

9. [Comment ils représentent les lombes <ou la pause> chez l'homme.]
Voulant peindre les lombes ou la pause chez l'homme, nous dessinons l'épine dorsale ; car certains prétendent que la semence vient de là.

10. [Comment ils représentent l'endurance et la sécurité.]
La représentation d'un os d'oryx signifie l'endurance et la sécurité, parce que l'os de cet animal résiste bien à la douleur.

11. [Comment ils représentent la concorde.]
Deux hommes se donnant la main droite représentent la concorde.

12. [Comment ils représentent la foule.]
Un homme armé et tirant de l'arc représente la foule.

13. [Comment ils représentent le mesurage.]
Le doigt de l'homme signifie le mesurage.

14. [Comment ils représentent une femme enceinte.]
Voulant représenter une femme enceinte, ils dessinent le disque du soleil, une étoile et un disque solaire coupé en deux.

15. [Comment ils représentent le vent.]
Un faucon volant dans les hauteurs <vers> le Levant signifie les vents ; d'une autre manière, un faucon étendant les ailes en l'air représente le vent, comme étant muni d'ailes.

16. [Comment ils représentent le feu.]
La fumée montant vers le ciel représente le feu.

17. [Comment ils représentent l'oeuvre.]
En traçant une corne de boeuf, on signifie l'œuvre.

18. [Comment ils représentent l'expiation.]
En traçant une corne de vache, ils signifient l'expiation.

19. [Comment ils représentent l'impiété.]
Un protome avec un couteau représente l'impiété.

20. [Comment ils représentent une (division de) temps.]
L'image d'un hippopotame représente une (division de) temps.

21. [Comment ils représentent les choses qui durent longtemps.]
Le cerf renouvelle ses bois tous les ans ; aussi son image évoque-t-elle à l'esprit les choses qui durent longtemps.

22. [Comment ils représentent l'aversion.]
Un loup ou un chien qui se détourne représente l'aversion.

23. [Comment ils représentent un travail à venir.]
L'image d'une oreille signifie un travail à venir.

24. [Comment ils représentent un être nuisible ou un assassin.]
Une guêpe volant en l'air ou le sang du crocodile signifie un homme nuisible ou un assassin.

25. [Comment ils représentent la mort subite.]
Le corbeau de nuit signifie la mort : car il assaille subitement les petits des corneilles pendant la nuit, de même que la mort survient subitement.

26. [Comment ils représentent l'amour, <l'air, le fils.>]
Le filet figure l'amour, comme étant la chasse à la mort ; [l'aile] figure l'air, et [l'oeuf] figure le fils.

27. [Comment ils représentent l'ancienneté.]
Des paroles et des feuilles, ou bien un livre scellé représentent l'ancienneté.

28. [Comment ils représentent le siège d'une ville.]
L'échelle (représente) le siège d'une ville, à cause de l'irrégularité.

29. [Comment ils représentent la Muse, l'infini ou le destin.]
Sept lettres encadrées de deux doigts figurent la Muse, l'infini, ou le destin.

30. [<Comment ils représentent onze> lignes égales.]
Une ligne droite accompagnée d'une ligne recourbée signifie lignes égales.

31. [Ce qu'ils représentent en dessinant l'hirondelle.]
Voulant signifier l'ensemble du patrimoine laissé aux fils, ils peignent une hirondelle : car, lorsqu'elle va mourir, celle-ci se roule dans la boue et construit un nid pour (ses) petits.

32. [Ce qu'ils représentent en dessinant une colombe noire.]
Voulant signifier une femme qui reste veuve jusqu'à sa mort, ils peignent une colombe noire : car celle-ci ne s'unit à aucun autre mâle jusqu'à ce qu'elle soit devenue veuve.

33. [Ce qu'ils signifient en dessinant un ichneumon.]
Voulant représenter un homme faible et qui ne peut se tirer d'affaire par lui-même, mais (qui doit recourir) à l'aide des autres, ils peignent un ichneumon : car, lorsqu'il voit un serpent, l'ichneumon ne l'attaque pas immédiatement, mais il se porte seulement à la rencontre du serpent après avoir, par ses cris, appelé les autres au secours.

34. [Ce qu'ils représentent en dessinant l'hiéroglyphe de l'origan.]
Voulant signifier l'absence de fourmis, ils tracent l'hiéroglyphe de l'origan ; car celui-ci, déposé à l'endroit d'où sortent les fourmis, fait qu'elles quittent (les lieux).

35. [Ce qu'ils signifient en dessinant un scorpion ou un crocodile.]
Voulant signifier un ennemi aux prises avec un autre (homme) de même (force), ils peignent un scorpion et un crocodile : car chacun (de ces animaux) tue l'autre. S'ils (veulent) signifier l'adversaire et celui qui tue l'autre, ils peignent (seulement) un crocodile ou un scorpion. Mais s'ils (veulent désigner) celui qui tue rapidement, ils peignent un crocodile, tandis que (pour désigner) celui qui tue lentement, (ils peignent) un scorpion, parce que celui-ci se meurt lentement.

36. [Ce qu'ils signifient en dessinant une belette.]
Voulant signifier une femme qui accomplit les travaux de l'homme, ils peignent une belette ; car celle-ci a les parties sexuelles du mâle, de la forme d'un petit os.

37. [Ce qu'ils signifient en dessinant un porc.]
Lorsqu'ils veulent signifier un homme corrompu, ils peignent un porc, parce que le porc a une nature de cette sorte.

38. [Comment ils représentent une colère outrée.]
S'ils (veulent représenter) une colère outrée, telle que celui qui s'est mis en rage en attrape la fièvre, ils dessinent un lion qui déchire ses propres lionceaux : (ils dessinent) un lion, parce qu'il s'agit de colère, et des lionceaux désossés, parce que les os des lionceaux, lorsqu'on les frappe (les uns contre les autres), font sortir du feu.

39. [Comment ils représentent un vieillard qui s'adonne à la musique.]
Voulant signifier un vieillard qui s'adonne à la musique, ils peignent un cygne : car celui-ci chante ses plus douces mélodies quand il devient vieux.

40. [Comment ils représentent un homme ayant commerce avec sa femme.]
Quand ils veulent signifier un homme s'unissant charnellement avec sa femme, ils dessinent deux corneilles : car celles-ci s'unissent comme le fait l'homme, suivant (l'ordre de) la nature.

41. [Ce qu'ils représentent en dessinant un scarabée aveugle.]
Voulant signifier un homme atteint de fièvre par l'action des rayons solaires et qui meurt de cela, ils dessinent un scarabée aveugle car celui-ci meurt lorsqu'il a été aveuglé parle soleil.

42. [Ce qu'ils représentent en dessinant une mule.]
Voulant signifier une femme stérile, ils dessinent une mule celle-ci est stérile pour ce motif que sa matrice n'est pas droite.

43. [Comment ils représentent une femme qui a donné naissance à une descendance féminine.]
Voulant signifier une femme qui a d'abord donné naissance à une descendance féminine, ils peignent un taureau qui se tourne vers la gauche ; mais si c'est une descendance mâle, ils peignent un taureau se tournant vers la droite ; car si, en descendant de l'accouplement, le taureau marche vers la gauche, il indique que c'est une femelle qui a été engendrée ; mais s'il descend de l'accouplement (en se dirigeant) vers la droite, c'est un mâle qui a été produit.

44. [Comment ils représentent des guêpes.]
Voulant signifier les guêpes, ils peignent un cheval mort : car beaucoup de guêpes sont engendrées par le cadavre de celui-ci.

45. [Comment ils représentent une femme qui avorte.]
Voulant signifier une femme qui avorte, ils peignent une jument qui foule un loup aux pieds : car la jument avorte non seulement en foulant le loup aux pieds, mais elle avorte aussi d'une manière instantanée rien qu'en marchant sur la trace du loup.

46. [Comment ils représentent un homme qui se soigne lui-même suivant (les indications d')un oracle.]
Voulant signifier un homme qui se soigne lui-même suivant (les indications d') un oracle, ils peignent une colombe tenant une feuille de laurier : car celle-ci, lorsqu'elle est souffrante, place dans son nid une feuille de laurier et guérit.

47. [Comment ils représentent une multitude de cousins.]
Voulant dépeindre une multitude de cousins qui se rassemblent, ils dessinent des vers : car c'est de ceux-ci que naissent les cousins.

48. [Comment ils représentent un homme qui n'a pas de bile, mais qui la reçoit de quelqu'un d'autre.]
Voulant dessiner un homme qui n'a pas de bile de par lui-même, mais qui la reçoit d'un autre, ils peignent une colombe ayant l'arrière-train relevé : car c'est dans cette (partie du corps) qu'elle a la bile.

49. [Comment ils représentent un homme habitant en sécurité dans une ville.]
Voulant signifier un homme qui habite en sécurité dans une ville, ils peignent un aigle qui porte une pierre : car celui-ci emporte une pierre de la mer ou de la terre (ferme), et la dépose dans son propre nid, pour demeurer en sûreté.

50. [Comment ils représentent un homme débile qui est poursuivi par un autre.]
Voulant signifier un homme débile et qui est poursuivi par quelqu'un de plus fort, ils peignent une outarde et un cheval : car cet (oiseau) s'envole quand il voit un cheval.

51. [Comment ils représentent un homme qui fuit auprès de son propre patron et qui n'est pas aidé.]
Voulant signifier un homme qui fuit auprès de son propre patron et qui n'est pas aidé, ils peignent un moineau et une chouette : car, lorsque le moineau est poursuivi par les oiseleurs, il se réfugie auprès de la chouette et, quand il est auprès d'elle, il est dans une situation désespérée.

52. [Comment ils représentent un homme faible et agissant avec témérité.]
Voulant signifier un homme faible et agissant avec témérité, ils peignent une chauve-souris : car celle-ci vole, bien que n'ayant pas de plumes.

53. [Comment ils représentent une femme qui allaite et élève bien.]
Voulant dépeindre une femme qui allaite et élève bien, ils peignent également une chauve-souris, (mais) pourvue de dents et de seins car, seule de tous les volatiles, elle est pourvue de dents et de seins.

54. [Comment ils représentent un homme qui est séduit par la danse.]
Voulant signifier un homme qui est séduit par la danse et par le son de la flûte, ils peignent une tourterelle : car celle-ci se laisse prendre au (son de) la flûte et par la danse.

55. [Comment ils représentent un homme initié aux mystères.]
Voulant signifier un homme initié aux mystères et l'initiateur aux rites, ils peignent une cigale : car celle-ci n'émet aucun son par la bouche, mais, faisant passer la voix par l'échine, elle profère un beau chant.

56. [Comment ils représentent un roi qui vit solitaire et qui n'a pas de commisération en cas de malheur.]
Voulant signifier un roi qui vit solitaire et qui n'a pas de commisération en cas de malheur, ils peignent un aigle : car celui-ci fait son nid dans les lieux déserts et vole plus haut que tous les (autres) volatiles.

57. [Comment ils représentent un renouvellement qui se produit après un long temps.]
Voulant signifier un renouvellement qui se produit après un long temps, ils peignent l'oiseau (appelé) phénix : car, lorsque celui-ci vient à naître, il se produit un rétablissement de toute chose. Voici de quelle manière il naît : lorsque le phénix va mourir, il se jette sur la terre, de façon que le choc ouvre une blessure ; du liquide qui coule de cette blessure naît un autre (phénix) qui, dès qu'il attrape des ailes, part avec son père pour Héliopolis d'Égypte ; arrivé là, (le vieux phénix) meurt au moment où le soleil se lève. Après que son père est mort, le jeune (phénix) retourne de nouveau dans sa propre patrie, tandis que les prêtres d'Égypte ensevelissent le phénix qui est mort.

58. [Comment ils représentent celui qui aime son père.]
Voulant signifier celui qui aime son père, ils peignent une cigogne : car quand les auteurs de ses jours ont fini de l'élever, il ne se sépare pas de ses parents, mais il demeure avec eux jusque dans l'extrême vieillesse et leur prodigue ses soins.

59. [Comment ils représentent une femme qui hait son mari.]
Voulant signifier une femme qui hait son mari et attente à sa vie, ne le flattant qu'en vue de l'union charnelle, ils peignent une vipère car lorsque celle-ci s'unit au mâle, elle enfonce sa bouche dans (la) bouche (du mâle) et, lorsqu'ils se séparent, elle mord la tête du mâle et le tue.

60. [Comment ils représentent des enfants qui attentent à (la vie de) leur mère.]
Voulant signifier des enfants qui attentent à (la vie de) leur mère, ils peignent une vipère ; car celle-ci n'est pas conçue <dans la terre,> mais elle sort du ventre de la mère après l'avoir dévoré.

61. [Comment ils représentent un homme outragé par de fausses accusations et qui (en) est malade.]
Voulant signifier un homme outragé par de fausses accusations et qui en est devenu malade, ils peignent un basilic : car celui-ci tue ceux qui s'approchent de son souffle.

62 a. [Comment ils représentent un homme qui <n'> est <pas> brûlé par le feu.]
Voulant signifier un homme qui <n'>est <pas> brûlé par le feu, ils peignent une salamandre ; car celle-ci <éteint toute flamme>.

62b. [................ ]
....................... massacre avec (ses) deux têtes.

63. [Comment ils représentent un homme aveugle.]
Voulant signifier un homme aveugle, ils peignent une taupe : car celle-ci est dépourvue d'yeux et ne voit pas.

64. [Comment ils représentent un homme qui ne sort pas de chez lui.]
Voulant signifier un homme qui ne sort pas de chez lui, ils peignent une fourmi et les ailes (plumes ?) d'une chauve-souris ; car lorsque (la chauve-souris) a mis ses ailes (plumes ?) sur le nid des fourmis, aucune de celles-ci ne sort plus.

65. [Comment ils représentent un homme qui se fait du tort en se mutilant lui-même.]
Voulant signifier un homme qui se fait du tort en se mutilant lui-même, ils peignent un castor : car celui-ci, poursuivi (par les chasseurs), arrache ses propres testicules et les abandonne comme une proie.

66. [Comment ils représentent un homme qui lègue ses biens à un fils qu'il déteste.]
Voulant signifier un homme qui lègue ses biens à un fils qu'il déteste, ils peignent un singe ayant derrière lui un autre petit singe car (le singe) met au monde deux (petits) singes dont il aime tendrement l'un et déteste l'autre ; il porte devant lui celui qu'il aime et le tue, mais il porte sur le dos celui qu'il déteste et l'élève.

67. [Comment ils représentent un homme qui cache ses propres défauts.]
Voulant signifier un homme qui cache ses propres défauts, ils peignent un singe qui urine : car celui-ci, lorsqu'il a fait ses besoins, cache sa propre urine.

68. [Comment ils représentent quelqu'un qui a l'ouïe très fine.]
Voulant signifier quelqu'un qui a l'ouïe très fine, ils peignent une chèvre ; car celle-ci respire par les narines et par les oreilles.

69. [Comment ils représentent quelqu'un d'instable.]
Voulant signifier quelqu'un d'instable et qui ne peut demeurer dans le même (état d'esprit), mais qui est tantôt fort, tantôt faible, ils peignent une hyène : car celle-ci est tantôt mâle, tantôt femelle.

70. [Comment ils représentent un homme vaincu par ceux qui lui sont inférieurs.]
Voulant signifier un homme vaincu par ceux qui lui sont inférieurs, ils peignent deux peaux, l'une d'hyène, l'autre de léopard ; car si l'on met ces deux peaux ensemble, celle du léopard perd ses poils, mais l'autre pas.

71. [Comment ils représentent un homme qui l'emporte sur son ennemi.]
Voulant représenter un homme qui l'emporte sur son ennemi, ils peignent une hyène qui se tourne vers la droite, mais s'il est vaincu, ils la dessinent au contraire tournée vers la gauche : car lorsque, étant poursuivie, l'hyène tourne vers la droite, elle provoque la mort de celui qui la pourchasse ; mais lorsqu'(elle prend) à gauche, elle est tuée par celui-ci.

72. [Comment ils représentent l'homme qui surmonte sans crainte les malheurs qui l'accablent.]
Voulant représenter un homme qui surmonte sans crainte et jusqu'à la mort les malheurs qui l'accablent, ils peignent une peau d'hyène ; car si quelqu'un se couvre de cette peau et s'engage parmi un certain nombre d'ennemis, il ne sera molesté par personne, mais passera sans crainte.

73. [Comment ils représentent un homme qui est contraint de composer avec ses ennemis.]
Voulant signifier un homme qui est contraint de composer avec ses ennemis et qui se délivre à peu de frais de leurs mains, ils peignent un loup qui a sacrifié l'extrémité de sa queue : car celui-ci, lorsqu'il va être capturé, abandonne les poils de l'extrémité de (sa) queue.

74. [Comment ils représentent un homme qui craint les dangers qui peuvent lui venir de l'inconnu.]
Voulant signifier un homme qui craint les dangers qui peuvent lui venir de l'inconnu, ils peignent un loup et une pierre ; car (le loup) ne craint ni le fer ni le bâton, mais seulement la pierre. En effet, si quelqu'un lui lance une pierre, il le trouvera frappé de stupeur et, à l'endroit où le loup a été atteint par la pierre, il a des vers qui lui sortent de la plaie.

75. [Comment ils représentent un homme en colère ramené à la raison par le feu.]
Voulant représenter un homme en colère ramené à la raison par le feu, ils peignent des lions et des flambeaux ; car le lion ne craint rien tant que des flambeaux allumés et rien ne les vaut pour le dompter.

76. [Comment ils représentent un homme pris de fièvre et se guérissant lui-même.]
Voulant représenter un homme pris de fièvre et se guérissant lui-même, ils peignent un lion qui mange un singe : car quand (le lion) a la fièvre, il se guérit en mangeant du singe.

77. [Comment ils représentent un homme revenant enfin à la raison après avoir mené une vie dissolue.]
Voulant représenter un homme qui revient enfin à la raison après avoir mené auparavant une vie dissolue, ils peignent un taureau ceint de figuier sauvage : car, lorsqu'il est en chaleur, on le lie à un figuier sauvage et il se calme.

78. [Comment ils représentent un homme qui se laisse facilement détourner de la tempérance.]
Voulant signifier un homme dont la tempérance est facilement sujette à revirements et peu constante, ils peignent un taureau lié par le genou droit : car, si on lui attache une entrave au genou droit, on le trouvera docile. On choisit toujours le taureau comme symbole de la. tempérance parce qu'il ne s'accouple jamais avec la femelle après que celle-ci a conçu.

79. [Comment ils représentent un homme qui fait périr les moutons et les chèvres.]
Voulant signifier un homme qui fait périr les moutons et les chèvres, ils peignent ces mêmes animaux occupés à manger de la conyse : car lorsque ceux-ci mangent de la conyse, ils meurent accablés de soif.

80. [Comment ils représentent un homme qui mange.]
Voulant signifier un homme qui mange, ils peignent un crocodile la gueule ouverte : car celui-ci, <gardant (la gueule) béante pendant le sommeil, a les dents chargées d'aliments>.

81. [Comment ils signifient un homme <rapace et> inerte.]
Voulant signifier un homme rapace <et> inerte, ils peignent un crocodile qui porte sur la tête une plume d'ibis : car si l'on touche (le crocodile) d'une plume d'ibis, on constate qu'il reste immobile.

82. [Comment ils signifient une femme qui (n')a enfanté (qu')une fois.]
Voulant signifier une femme qui (n')a enfanté (qu')une fois, ils peignent une lionne : car celle-ci n'est pas fécondée deux fois.

83. [Comment ils représentent un homme qui à sa naissance est d'abord difforme.]
Voulant signifier un homme qui au moment de sa naissance est d'abord difforme, mais qui dans la suite devient beau, ils peignent une ourse pleine : car celle-ci produit (d'abord) un sang épais et caillé ; mais par la suite, lorsque ce sang a été réchauffé dans ses cuisses, elle le façonne et l'amène à perfection en le léchant.

84. [Comment ils représentent un homme fort et flairant ce qui (lui) est utile.]
Voulant signifier un homme fort et qui flairant ce qui (lui) est utile, ils peignent un éléphant muni de sa trompe : car l'éléphant flaire au moyen de sa trompe et s'empare de ce qui s'offre à lui.

85. [Comment ils représentent un roi qui fuit la folie et l'imprudence.]
Voulant signifier un roi qui fuit la folie et l'imprudence, ils peignent un éléphant et un bélier : car l'éléphant fuit quand il aperçoit un bélier.

86. [Comment ils représentent un roi qui fuit l'homme bavard.]
Voulant signifier un roi qui fuit l'homme bavard, il peignent un éléphant avec un porc : car l'éléphant fuit lorsqu'il entend le grognement du porc.

87. [Comment ils représentent un homme dont les mouvements sont rapides, mais qui se meut d'une manière inconsidérée et irréfléchie.]
Voulant signifier un homme dont les mouvements sont rapides, mais qui se meut d'une manière inconsidérée et irréfléchie, ils peignent une biche et une vipère : car (la biche) fuit lorsqu'elle aperçoit la vipère.

88. [Comment ils représentent un homme qui pourvoit à l'avance à sa sépulture.]
Voulant signifier un homme qui pourvoit à l'avance à sa sépulture, ils peignent un éléphant enfouissant ses défenses : car, lorsque l'éléphant voit que ses défenses tombent, il les prend et les enfouit.

89. [Comment ils représentent un homme qui a vécu une vie complète.]
Voulant représenter un homme qui a vécu une vie complète, ils peignent une corneille qui meurt : car, au dire des Égyptiens, la corneille vit cent ans et, suivant (le système des) Égyptiens, l'année (ετος) est de quatre ans (ενιαυτος).

90. [Comment ils représentent un homme qui a (sa) méchanceté en lui-même.]
Voulant signifier un homme qui cache (sa) méchanceté en luimême et qui se dissimule afin de ne pas être reconnu par ses proches, ils peignent une panthère : car celle-ci chasse les animaux à la dérobée, sans permettre que son odeur se répande, celle-ci pouvant attirer les autres animaux.

91. [Comment ils représentent un homme qui a été trompé par la flatterie.]
Voulant signifier un homme qui a été trompé par la flatterie, ils peignent une biche avec un homme qui joue de la flûte : car la biche se laisse prendre en écoutant les douces mélodies des joueurs de flûte, de sorte qu'elle se laisse séduire par le plaisir.

92. [Comment ils représentent la prévision d'une bonne vinée.]
Voulant signifier la prévision d'une bonne vinée, ils peignent une huppe : car si celle-ci chante beaucoup avant le temps où les vignes (bourgeonnent), c'est signe de bonne vinée.

93. [Comment ils représentent un homme à qui le raisin a fait du mal.]
Voulant signifier un homme à qui le raisin a fait du mal et qui s'est guéri lui-même, ils peignent une huppe et la plante (appelée) adiante ; car, quand la huppe se trouve mal (d'avoir mangé) du raisin, elle se guérit en prenant de l'adiante dans le bec.

94. [Comment ils représentent un homme qui se met en garde contre les embûches de (ses) ennemis.]
Voulant signifier un homme qui se met en garde contre les embûches de (ses) ennemis, ils peignent une grue qui veille ; car (les grues) assurent leur protection en veillant à tour de rôle durant toute la nuit.

95. [Comment ils représentent la pédérastie.]
Voulant signifier la pédérastie, ils peignent deux perdrix (mâles) ; car (les perdrix mâles), quand elles ont perdu leurs femelles, ont commerce entre elles.

96. [Comment ils représentent un vieillard mourant de faim.]
Voulant représenter un vieillard mourant de faim, ils peignent un aigle ayant le bec recourbé : car lorsque ( l'aigle) vieillit, son bec se recourbe et il meurt de faim.

97. [Comment ils représentent un homme toujours en mouvement et d'un tempérament actif.]
Voulant signifier un homme toujours en mouvement et d'un tempérament actif, et qui ne prend même pas de repos pour manger, ils peignent des petits de corneille : car celle-ci nourrit ses petits tout en volant.

98. [Comment ils représentent un homme qui connaît les choses célestes.]
Voulant signifier un homme qui connaît les choses célestes, ils peignent une grue en plein vol : car celle-ci vole très haut pour voir les nuages, de sorte qu'elle n'essuie pas de tempêtes et demeure en paix.

99. [Comment ils représentent un homme qui abandonne ses propres enfants par indigence.]
Voulant signifier un homme qui abandonne ses propres enfants par indigence, ils peignent un faucon qui va pondre : car (le faucon) pond trois neufs, mais il en choisit seulement un dont il prend soin, tandis qu'il brise les deux autres. Il agit ainsi parce qu'à ce moment il perd ses griffes et ne peut par conséquent nourrir ses trois petits.

100. [Comment ils représentent un homme dont les pieds sont lents à se mouvoir.]
Voulant signifier un homme dont les pieds sont lents à se mouvoir, ils dessinent un chameau : car celui-ci, seul parmi les autres animaux, ploie la cuisse, et c'est pourquoi il est appelé καμηλος.

101. [Comment ils représentent un homme impudent et qui a la vue perçante.]
Voulant représenter un homme impudent et qui a la vue perçante, ils dessinent une grenouille : car celle-ci n'a pas de sang, si ce n'est dans les yeux, et l'on dit que ceux qui ont les yeux injectés de sang sont impudents. C'est pourquoi le Poète a dit : « Ivrogne, qui as des yeux de chien et un coeur de biche » (HOM., Il., I, 225).

102. [Comment ils représentent un homme qui <pendant longtemps> ne peut se mouvoir.]
Voulant signifier un homme qui pendant longtemps ne peut bouger, mais qui finalement se meut au moyen de ses pieds, ils peignent une grenouille pourvue de ses deux pattes de derrière ; car (la grenouille) naît sans pattes, mais plus tard, quand elle a avancé en âge, elle acquiert en premier lieu ses pattes de derrière.

103. [Comment ils représentent un homme qui est l'ennemi de tous.]
Voulant représenter un homme qui est l'ennemi de tous et qui se tient à l'écart, ils peignent une anguille : car celle-ci ne se trouve en compagnie d'aucune (espèce) de poissons.

104. [Comment ils représentent un homme qui en sauve beaucoup (d'autres) dans la mer.]
Voulant signifier un homme qui en sauve beaucoup (d'autres) dans la mer, ils peignent le poisson (appelé) torpille : car lorsque celle-ci aperçoit une multitude de poissons qui ne peuvent plus nager, elle les recueille chez elle et les sauve.

105. [Comment ils représentent un homme qui a misérablement consumé les choses utiles.]
Voulant signifier un homme qui a misérablement consumé les choses utiles et inutiles, ils peignent un polype : car celui-ci, qui mange beaucoup et d'une manière déréglée, met de la nourriture de côté dans les cavernes et, lorsqu'il a consommé ce qui est utile, il rejette ensuite ce qui est inutile.

106. [Comment ils représentent un homme qui a pouvoir sur les gens de son espèce.]
Voulant signifier un homme qui a pouvoir sur les gens de son espèce, ils peignent une écrevisse et un polype : car (l'écrevisse) a pouvoir sur le polype et exerce la primauté.

107. [Comment ils représentent un homme uni à une femme.]
Voulant signifier un homme et une femme unis depuis (leur) prime jeunesse, lorsqu'ils furent nés, ils peignent des pinnes marines fécondées : car celles-ci, après être nées dans la coquille, s'unissent bientôt l'une à l'autre à l'intérieur de la coquille.

108. [Comment ils représentent un homme qui ne prend pas soin de lui-même.]
Voulant signifier un homme qui ne prend pas soin de lui-même, mais dont ses familiers se préoccupent, ils peignent une pinne marine et une petite écrevisse : car cette écrevisse reste attachée à la chair de la pinne marine et elle est appelée pinnophylax (« gardienne de la pinne »), en conformité avec le nom (de celle-ci). La pinne, lorsqu'elle a faim dans sa coquille, baye tant qu'elle peut ; si, pendant qu'elle baye, quelque petit poisson vient à passer, le pinnophylax enfonce sa pince dans la pinne marine ; celle-ci, ayant perçu cette sensation, referme sa conque et de cette manière le petit poisson est pris.

109. [Comment ils représentent un homme pris d'une faim vorace.]
Voulant signifier un homme pris d'une faim vorace, ils peignent un scare : car, seul parmi les poissons, (le scare) rumine et mange tous les petits poissons qu'il rencontre.

110. [Comment ils représentent un homme qui vomit sa nourriture.]
Voulant signifier un homme qui vomit sa nourriture et qui se remet à manger goulûment, ils peignent une belette de mer : car celle-ci enfante par la bouche et, tout en nageant, elle absorbe sa progéniture.

111. [Comment ils représentent un homme qui a commerce avec les (femmes) d'une autre race.]
Voulant signifier un homme qui a commerce avec les (femmes) d'une autre race, ils peignent une murène : car celle-ci, sortant de la mer, s'accouple avec les vipères et regagne aussitôt la mer.

112. [Comment ils représentent un homme puni pour un meurtre.]
Voulant signifier un homme puni pour un meurtre et qui en éprouve du repentir, ils peignent une pastenague prise à l'hameçon car, quand elle a été capturée, elle lance le dard qu'elle a dans la queue.

113. [Comment ils représentent un homme qui mange sans ménagement les vivres d'autrui.]
Voulant signifier un homme qui mange sans ménagement les vivres d'autrui et qui consume ensuite les siens propres, ils peignent un poulpe : car celui-ci, quand il est privé de la nourriture qui lui vient d'autrui, mange ses propres tentacules.

114. [Comment ils représentent un homme qui s'élance vers ce qui est beau.]
Voulant signifier un homme qui s'élance vers ce qui est beauté qui, tout au contraire, tombe sur ce qui est mal, ils peignent une seiche : car, lorsque celle-ci se rend compte que quelqu'un veut l'attraper, elle éjecte dans l'eau une matière noire qu'elle a dans le ventre, de façon à se rendre invisible, et elle parvient ainsi à s'échapper.

115. [Comment ils représentent un homme prolifique.]
Voulant signifier un homme prolifique, ils peignent un moineau qui niche dans les tours ; car celui-ci, agité par une passion immodérée et par une surabondance de semence génitale, s'accouple sept fois en une heure avec la femelle en éjaculant de la semence en abondance.

116. [Comment ils représentent un homme qui se conforme toujours au même principe.]
Voulant signifier un homme qui se conforme toujours au même principe, ils peignent une lyre : car celle-ci reste toujours en accord avec ses propres sons.

117. [Comment ils représentent un homme qui, s'étant d'abord écarté de ses desseins, revient ensuite à son propre bon sens.]
Voulant signifier un homme qui, s'étant d'abord écarté de ses desseins, revient ensuite à son propre bon sens et qui met ordre à sa conduite, ils dessinent une flûte : car celle-ci a le pouvoir de convertir (l'homme) et de lui rappeler les choses qu'il a faites suivant son goût, et elle rend un son parfaitement harmonieux.

118. [Comment ils représentent un homme qui rend la justice d'une manière égale pour tous.]
Voulant signifier un homme qui rend la justice d'une manière égale pour tous, ils tracent une plume d'autruche : car (l'autruche), contrairement aux autres (oiseaux), a des plumes égales de toute part.

119. [Comment ils représentent un homme qui aime à bâtir.]
Voulant signifier un homme qui aime à bâtir, ils dessinent une main d'homme : car, celle-ci exécute toute construction.

[Fin des Hieroglyphica.] Stats