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Livre II I'Enrolleray en ceft endroit, ceux lefquels cõtre l'honneur de Dieu renuoyêt la guerifon de la morfure du chiê enragé à S. Hubert des Ardennes, & qui confacrent le haut mal à S. Iean, S. Corneille, S. Valêtin, ou S. Gilles : tellement qu'il faut craindre que ils n'endurêt à bon endroit, les peines, de ceux qui ont recours aux deuins, ou à la famille Pythienne. Ce ne fera point hors de propos| fi i'allegue icy en paffant du viel Hippocrate, ou d'vn autre memorable (comme veut Galien) au liure de la maladie facree, ou du haut-mal, que les Grecs nõment Epilepfie, auquel, apres auoir monftré qu'il n'y a rien de plus facré, diuin en cefte maladie qu'és autres, il ecrit ainfi : Ceux qui premieremêt ont dit que cetfte maladie eftoit facree, me femblent auoir efté tels, que font maintenãt les Magiciens, Exorcifeurs, Charlatans, & quelques arrogãs, lefquels font femblãt d'eftre fort religieux, & fçauoir quelque chofe d'auantage que les autres. Ceux-cy dõc f'excufans de n'eftre capables de telle chofe, & toutes-fois fe couurãs de diuinité, & voyãs qu'ils n'ont rien qui puiffe profiter, ont dit que cefte maladie eftoit facree, de peur que leur ignorance ne fuft defcouuerte : puis ayãs ramaffé quelque raifons idoines, ils ont eftabli vn moyen de guerifon affeuré pour eux : ils ont mis en auant des exorcifmes & enchantements, & ont commandé que l'on fe abftint des bains, & des viandes abõdantes, contraires aux hommes malades, &c. Puis ils ont dit qu'il ne failloit point porter des veftements noir, pour autant que la couleur noire eft mortelle : qu'il ne falloit point mettre les pieds l'vn fur l'autre, ny vne main fur l'autre, pourautãt que toutes ces chofes empefchent la guerifon. Or ils odonnent toutes ces chofes, à caufe de la diuinité : comme fçachans quelque chofe d'auantage & mettans en auant quelques autres pretextes, à fin que fi le malade rechappe, la gloire & la conduicte de vne telle guerifon leur foit baillee : & f'il meurt, qu'ils ayent toufiours leurs excufes promptes, & qu'ils mettent en auant pour leur pretexte qu'ils n'en font pas caufes, mais que ce font les dieux : car ils n'ont ordonné aucun medicament à prendre par la bouche, dont on les puiffe accufer. Il dit encore apres : Ceux donc qui penfent & parlent ainfi, font femblant de fçauoir d'auantage & trompent les hommes, leur propofans des exorcifmes & purifications, d'autant que leurs paroles f'eftendent en la plus part à Dieu, & au Demon. Mais il me femble qu'ils ne parlent point de la pieté, comme ils penfent, ains de l'impieté : itê qu'ils ne croyent point de Dieu, & que leur pieté & diuinité eft mefchante & contraire à l'honneur de Dieu : ainfi que ie mõftreray : Car ils fe vantent de fçauoir mettre à neant la Lune, obfcurcir le Soleil, faire la tempefte & le beau temps, la pluye & la fechereffe, rendre la mer, la terre, & telles autres chofes fteriles : ils difent auoir cefte puiffance par les mysteres facrez, ou par quelque autre profeffion ou exercice : mefmes s'ils s'eftudient en telles chofes, il me femble qu'ils croyent n'y auoir point de Dieux ; ou f'ils en croyent, & qu'ils ne peuuent empefcher quelque grande maladie. Comment donc en faifant ainfi ne feroiêt.ils hays d'iceux ? Car fi vn hõme vfant d'enchantements, & de facrifices, met la Lune à neant, obfcurcit le Soleil, & fait la tempefte & le beau temps, i'auray opinion que toutes ces chofes ne ferõt pas diuines, mais humaines, puif-que la puiffance diuine eft forcee, & vaincue par l'humaine volonté. Auffi par aduenture ces chofes ne fe font pas ainfi, mais les hommes qui ont affaire à viure, effayent et chagêt totes chofes : & tant en toutes autres comme en cefte maladie, & particulieres efpeces de maux, ils en rapportent la caufe à Dieu. Car ils font mention d'icelles non feulement vne fois, mais plufieurs. Parquoy fi ceux qui tõbent du haut mal beelent à la façon des chieures, s'ils grinfent les dens, & que les membres du cofté droit foient retirez, ils difent que la mere des Dieux en eft caufe : s'ils rêdent vne voix plus aigüe, & plus efmouuante, ils l'accomparent au cheual, & difent que c'eft Neptune qui en eft autheur : f'ils laiffent aller de leur ordure par bas, (ce qui aduiêt fouuentef-fois à quelques vns, lefquels font contrains par la force du mal) ils adiouftent le nom d'Hecaté Enodie ; s'ils rendent vne voix plus deliee & ferree ainfi que les petits oifeaux, Apollon Nomiê, c'eft à dire pafteur, en fera la caufe : mais s'ils rendent de l'efcume par la bouche, & qu'ils debattêt des pieds, ce fera Mars. Ils difent que les epouuentements, qui furuiennêt de nuit, les craintes, les refueries, les fouleuements, du lict, les horreurs, & fuittes de hors du lict, font les embuches d'Hecaté, & les affauts des Heros : lors ils vfent d'exorcifmes, & d'enchantements, & font felon mon iugemêt la diuinité trefmefchante. Car ils exorcifent les malades auec du fang : ils en font autant à ceux qui font coupables de quelques grãdes mefchãcetez, ou aux iniuftes, aux empoifonnez par les hommes, & à ceux qui ont commis quelque forfait, lefquels toutef-fois deuuroient faire toutes chofes contraires : à fçauoir, facrifices, aller aux têples, & y faire priere aux Dieux. Mais maintenãt ils ne font rien de tout cela, ains feulement ils exorcifent, & cachent en terre vne partie de leurs exorcifmes : ils en iettent vne autre partie en la mer, & portêt l'autre aux mõtaignes où perfonne ne la touche, ny marche deffus. Il failloit pluftoft les porter au têple, & les pfenter à Dieu, f'il en eftoit autheur. Toutef-fois ie ne penfe point que le corps de l'homme foit fouillé de Dieu, autrement le tref-vilain le feroit du trefpur : & encore qu'il aduint que le corps fuft fouillé, ou qu'il enduraft, fi deburoit-il pluftoft defirer d'eftre purgé & purifié de Dieu, que non pas fouillé. C'eft donc Dieu qui purge les grands & enormes pechez, & qui eft noftre deliurance. Auffi auons nous dedié aux Dieux les enceinctes des temples, à celle fin que perfonne ne les paffaft, que premierement il ne fuft pur : & eftans entrez dedans nous nous relauons, non point pour eftre fouillez, mais pour efte purifiez, fi encore nous auons quelque ordure. Voila ce qui eft touchant les purifications. Mais cefte maladie ne me femble en rien plus diuine que les autres : ains elle a la mefme nature que les autres maladies, & mefme matiere, de laquelle elles font faites & engendrees. Il eft bien vray que la matiere, & la caufe eft faite de Dieu comme font toutes autres chofes. I'ay iufques icy tranfcrit le texte d'Hippocrate, & plus au long recité fes arguments, pour autãt qu'ils ne m'ont femblé inutiles à noftre propos. |