DUPAIN ETUDE CLINIQUE SUR LE DELIRE RELIGIEUX (ESSAI DE SEMEIOLOGIE) (1888) |
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Première période | Phase tonique. Phase clonique. Phase de résolution. |
Grands mouvements toniques. Immobilité tonique |
Deuxième période ou clownisme | Phase des contorsions. Phase des grands mouvements |
rythmiques sésordonnés |
Troisième période ou des attitudes passionnelles | Attitude passionnelle gaie. Attitude passionnelle triste. |
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Quatrième période ou période de délire | Délire, zoopsie. Contractures généralisées. |
Or on sait que de nombreuses variétés découlent de l'attaque complète.
L'attaque peut, dans certains cas, se trouver réduite, à peu près exclusivement, à la deuxième
période ; d'où cette variété d'attaque de contorsions ou attaque démoniaque.
A la troisième période on retrouve l'attaque d'extase.
Enfin à la quatrième, l'aataque de délire.
Griesinger décrit, sous le nom de folie hystérique aigüe, ces accidents délirants : " Elle
se développe à la suite des attaques convulsives ordinaires de l'hystérie : mais, dans certains cas,
ces attaques sont très légères, quelquefois même l'accès de folie semble remplacer l'attaque
convulsive qui manque complètement (3). »
Le docteur Paul Richer divise ces malades en deux catégories.
« Dans la première, les attaques de délire s'accompagnent de phénomènes hystériques
qui appartiennent aux autres périodes de l'attaque et dont la présence est comme le sceau de la grande névrose.
« Dans la seconde, les attaques de délire se montrent indépendamment de tout autre phénomène
hystérique (4). »
Nous laisserons de côté les phénomènes d'ordre religieux qui ont trait à la deuxième
et à la troisième période.
Il est devenu classique que ces épisodes religieux n'ont, dans ces cas, qu'un caractère subordonné
à des conditions diverses et que l'état de tension particulière de l'ensemble du système cérébro-spinal
de l'hystérique, déchaîne ces scènes bien connues, des attitudes passionnelles, des extases, des
phénomènes démoniaques, qui forment comme autant de tableaux de la grande attaque.
Nous nous attacherons seulement à la quatrième période et nous nous étendrons surtout sur
la seconde catégorie de malades appartenant à cette période, c'est-à-dire faisant, à
notre avis, plus spécialement partie du domaine de la psychiatrie proprement dite.
ATTAQUES CONVULSIVES, AVEC IDÉE DE POSSESSION ET DE MULTIPLICITÉ DE LA PERSONNALITÉ, CHEZUNE ENFANT. |
Il s'agit d'une enfant de onze ans, Marguerite B., ayant des
sentiments chrétiens et pieux, qui fut prise d'attaques convulsives. Deux jours après, il se fit entendre
autour d'elle une voix qui disait : « On prie pour toi ! ». Le lendemain une autre voix différente de
la première se mit à lui parler tout bas. C'étaient des moqueries contre les choses saintes,
contre Dieu, le Christ et la Bible. Dès que ce démon se faisait entendre, les traits de la jeune fille
s'altéraient. Cinq ou six jours après, à onze heures du matin, c'est-à-dire à l'heure où, d'après son dire, un ange lui avait annoncé, plusieurs jours auparavant, qu'elle serait délivrée, tous les phénomènes cessèrent. La dernière chose qu'on entendit, ce fut une voix sortant de la bouche de la malade et qui disait : « Va-t'en, esprit immonde, retire-toi de cette enfant ! Ne sais-tu pas qu'elle est ce que j'ai de plus cher ! » Puis, elle revint à elle-même. Peu après, de nouvelles voix s'ajoutèrent à la première. La malade en compta jusqu'à six, différant entre elles soit par le timbre, soit par le langage, etc. Enfin, une quinzaine de jours après, on entendit sortir de la bouche de la malade ces mots : « Va-t'en, esprit immonde ; retire-toi de cette enfant, ton règne est fini maintenant ! » La jeune fille revint à elle, et depuis lors elle n'a pas eu de rechute. |
HYSTÉRIE, EXTASES ET CONVULSIONS. |
Mme K..., trente-cinq ans, femme d'un artisan. Aucune tare héréditaire d'après les renseignements. Affaiblie par huit grossesses qui l'ont rendue délicate, nerveuse, excitable ; depuis des années, sensation de globe hystérique et de crampes ascendantes partant des pieds, pour lui nouer le corps et lui serrer la gorge. Il y a deux ans, a été prise un jour, dans l'église, d'une vision extatique. Le 13 avril 1876, pendant qu'elle priait dans l'église avec ferveur, elle vit le Sauveur; elle entra dès lors en une extase, pendant laquelle l'air et le sol lui semblèrent parcourus par une multitude de globes de feu, puis elle tomba brusquement sans connaissance et présenta des convulsions. On la porta à la clinique. C'est une personne malingre atteinte de tuberculose. Légère hydrocéphalie cranienne. Sa connaissance est profondément troublée. Elle est en proie à une vision extatique, pendant laquelle elle prend les personnes qui l'entourent pour des anges, des saints ; elle se croit au ciel et est illuminée. De temps à autre, le trouble de la connaissance devient plus profond ; elle s'agite anxieusement, comme frappée de stupeur, se traîne à terre sur les genoux, erre çà et là, est en proie à des hallucinations terrifiantes pendant lesquelles elle fait entendre ces mots entrecoupés : « Ah ! C'est épouvantable, je n'ai pas à me reprocher tout cela ! ce n'est pas, ce ne peut pas être ! » Le 10 mai elle récupère brusquement sa lucidité et n'a qu'un souvenir sommaire de ce qui s'est passé. Pas d'accidents convulsifs. |
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Une jeune imbécile, d'humeur triste, est enfermée par sa mère dans une chambre ; désireuse de sortir, elle promet son corps et son âme au démon, pour être libérée de son cachot. Les jours suivants, la dépression s'accroît ; elle est hantée par des visions terrifiantes, le diable lui apparaît pendant la nuit. Elle se rend à l'église, mais sur le seuil elle est prise d'une attaque d'hystérie qui dure une heure, consécutivement agitation anxieuse. Chaque jour, à la même heure, accès identiques. Ils cessent à la suite de l'invocation d'une image miraculeuse ; cependant ils reviennent tous les ans à Noël et à Pâques ; il en est de même au mois de mai, c'est-à-dire à l'époque de dévotion à cette image. Les visions nocturnes, les hallucinations de la vue, de l'ouïe et de la sensibilité générale, développent une systématisation du délire de possession. |
« L'attaque de délire, dit le docteur Paul Richer, n'est pas nécessairement accompagnée de
phénomènes convulsifs. Elle peut se montrer isolément chez une malade qui présente d'autre
part des attaques convulsives, ou qui en a présenté à une époque plus ou moins reculée,
ou même qui n'en a jamais eu (10). »
A ce propos, nous ferons remarquer que l'état mental des hystériques ressemble à celui des dégénérés,
et que l'on trouve: souvent chez elles une tare héréditaire. Certainement il serait excessif de les considérer
comme des dégénérées ; mais il est hors de doute que l'on trouve, chez un certain nombre d'entre
elles, l'alliance intime de l'hystérie et de la dégénérescence mentale.
Cette hystérie en puissance ne provoque pas toujours de délire religieux ; mais elle en est l'explication,
surtout lorsque l'éducation et les habitudes semblent, pour ainsi dire, chercher à le provoquer.
Les préoccupations intenses de l'intelligence produisent, sur le cerveau des hystériques, des perturbations
profondes ; la solitude, la méditation ne fait que les accroître. On comprend alors aisément que la vie
contemplative du cloître amène un mysticisme pathologique qui deviendra bientôt hallucinatoire et se terminera
par un accès de folie.
Dans l'église, sous les sombres voûtes où brille la lampe du tabernacle, à peine éclairée
par cette lueur indécise, la religieuse est en prières. Devant elle le Christ étend sur la croix
ses mains percées de clous. A ses pieds, la croyante est immobile, le front sur la dalle, les bras en croix, semblable
à son Sauveur. Elle est en adoration. L'oraison s'est embrouillée sur ses lèvres. Elle pense sa fervente
prière et ne la murmure plus. Prosternée devant le Souverain Juge, elle implore son pardon ou exalte sa
grandeur. Peu à peu, dans la pénombre silencieuse elle s'absorbe en entier dans sa contemplation. Etrangère
au monde extérieur, elle ne voit et bientôt n'entend plus que Jésus. Il lui semble que les rideaux du sanctuaire
s'écartent. Le crucifix s'anime, vient vers elle, lui montre ses plaies saignantes; elle entend la voix douce et
pénétrante de son divin amant. Dans la ferveur de son amour, elle implore la grâce de souffrir elle-même
quelque chose pour Dieu. Bienheureuses celles qui, pareilles au Rédempteur, portent au flanc une plaie ouverte
!
L'extase ainsi créée par la méditation religieuse évolue. A force de se répéter,
elle augmente en intensité et, par le charme qu'il y goûte, l'esprit cherche à la reproduire.
Cette extase religieuse peut s'observer également dans la dégénérescence mentale chez les
psychiques purs.
« Un jeune élève des beaux-arts vit dans la chasteté absolue. Son amour c'est Myrtho qui
s'est réfugiée dans une étoile ; il contemple tous les soirs cette étoile, lui adresse des
vers, lui brûle de l'encens (11). »
Cependant, chez les hystériques, le délire religieux comporte rarement un amour aussi désintéressé. Les invocations au divin époux, les macérations, les prières faites pour repousser les tentations de la chair, ne font qu'aiguillonner ses ardeurs et un véritable spasme de volupté humaine en est la conclusion. Aussi, les idées érotiques s'associent-elles fréquemment aux idées religieuses, ainsi que les troubles de la sensibilité générale. En dehors de toute provocation directe, ces troubles de la sensibilité générale et du sens génésique ne sont pas rares ; ils sont la plupart du temps mis sur le compte du diable ou du Saint-Esprit.
Pour clore ce que nous venons de dire au sujet de l'extase, nous donnons cette observation de Chiaruggi.
Il s'agit probablement d'un hystérique, entaché d'hérédité, qui devint extatique à
la suite d'une émotion.
On peut voir chez ce malade un état d'hystérie en puissance, comparable à ces troubles moteurs, signalés
par M. le professeur Charcot, qui surviennent chez les hystériques.
Intitulée : MANIE PLÉTHORIQUE PAR TERREUR. |
Jeune homme de trente ans, sanguin, très robuste, athlète, frère d'un autre jeune maniaque, à la suite d'une vive terreur nocturne, se trouve, au printemps, instantanément pris d'un tremblement qui finit en une véritable extase. Il n'en sort, au bout de quelque temps, que pour en devenir maniaque. On le saigne et resaigne.... avec le meilleur résultat. La fureur 'a disparu six jours après l'accès. |
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Une jeune fille du peuple, âgée de quatorze ans, atteinte de folie à la suite d'une mission, discourait sur des sujets religieux comme si elle se fût livrée à l'étude de la théologie ; elle parlait comme un prédicateur sur Dieu, sur les devoirs du chrétien et savait résoudre avec sagacité les objections qu'on lui faisait pour l'éprouver. |
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Chez une aliénée hystérique, à prédominance d'idées religieuses exaltées, des phénomènes extraordinaires comme réminiscences intellectuelles. Elle avait assisté à beaucoup de sermons, et en avait lu un plus grand nombre. Je l'ai entendue répéter mot à mot ce qu'elle avait lu, ce qu'on avait dit en sa présence. C'est le livre à la main que nous avons pu suivre cette exaltée lorsque, sous l'influence d'un phénomène nerveux qui surexcitait ses souvenirs, elle nous récitait des sermons d'orateurs chrétiens très connus. Il lui était impossible de renouveler le phénomène dans son état ordinaire. |
Ces phénomènes de rappel de mémoire sont très fréquents dans l'hystérie, qu'ils
soient d'ordre religieux ou non.
HYSTÉRIE. DÉBILITÉ MENTALE. HALLUCINATIONS DE LA VUE, DE L'OUÏE, DE L'ODORAT. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ GÉNÉRALE. |
M... (Jeanne), vingt-neuf ans, entrée à l'admission
de Sainte-Anne le 12 janvier 1883. Hystérie : sensation de boule. Suffocations. Attaques convulsives anciennes, particulièrement la nuit. Depuis dix-huit mois, hallucinations, quelques idées de persécution. En décembre, voyait, dans un tableau, la tête de son ancien amant mort depuis quelques mois. Il lui parlait, l'engageait à se marier. C'est par le spiritisme qu'on lui montre ces têtes. La Société du spiritisme est payée pour lui faire des misères. Parfois, entendait la voix de la Vierge et de religieuses qui lui reprochaient de vivre avec un juif (l'amant actuel). Hallucinations de l'odorat : mauvaises odeurs, de mort ; phénol. Sensibilité générale : le lit se soulève. Ver solitaire expulsé par pelletiérine (depuis sept ans). |
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Suzanne T..., âgée de trente-neuf ans, est d'un tempérament
nerveux, d'une constitution débilitée ; il n'y a pas d'hérédité dans sa famille.
Jusqu'à l'âge de trente ans, Suzanne n'a eu aucune maladie et avait été parfaitement réglée,
quand une demande en mariage, écartée par ses parents, troubla subitement cette paisible existence.
L'amour éveilla l'imagination, les obstacles surexcitèrent la violence des désirs ; Suzanne
devint triste et rêveuse. En l849, se manifestèrent des attaques d'hystérie, avec perte incomplète de connaissance, convulsions, spasmes. Le caractère hystérique se dessina et trahit de secrètes pensées voluptueuses ; enfin, hallucinations de la vue et de l'ouïe. Afin de recouvrer sa tranquillité passée, Suzanne invoqua les consolations de la religion. Aujourd'hui, mystique, demain passionnée, on peut dire que l'exaltation de ses sentiments religieux alterne sans cesse avec les élans d'un amour mondain. Aujourd'hui les attaques d'hystérie reviennent à des époques plus éloignées ; insensiblement les convulsions font place à des spasmes ; les hallucinations dominent la volonté. Suzanne est souvent sombre, taciturne, travaillant à l'écart ; elle passe sans transition de cet état de tristesse à une gaieté extravagante, exécute alors les actes les plus illogiques. Ainsi elle interrompt brusquement une conversation pour se précipiter sur une fenêtre et en briser les carreaux. L'acte accompli, le calme renaît. D'autres fois, plongée dans la torpeur, elle urine dans ses vêtements ou se vautre dans des ordures pour se mortifier. « C'est, dit-elle, un prêtre de son pays qui lui commande d'agir ainsi. » Un dimanche, Suzanne écoutait des cantiques ; persuadée que ce sont des paroles obscènes, elle s'irrite et injurie les chanteuses. Les manifestations les plus délirantes sont tour à tour en jeu. La sensibilité morale est pervertie, car Suzanne ressent pour son frère un amour désordonné. Ce dernier symptôme nous autorise à porter un fâcheux pronostic sur l'issue de la maladie ; mais nous dirons, en nous plaçant sur le terrain de la prophylaxie, qu'il est probable que si le mariage en question n'avait pas été écarté par les parents, Suzanne n'aurait pas éprouvé ces violentes attaques d'hystérie, point de départ des transformations fâcheuses de son état intellectuel, physique et moral, et qui l'amèneront, en définitive, à la démence la plus complète (Lachaud, thèse citée). |
Le délire religieux occupe, en somme, chez cette hystérique, une place peu importante et paraît moins
accentué que le délire érotique.
Ce qui, d'après nous, tait partie du domaine de la dégénérescence mentale, c'est, en premier
lieu, l'impulsion à casser les carreaux et la satisfaction consécutive à l'acte accompli
; en second lieu, cette aberration du sens génital, l'amour désordonné pour son frère.
Rappelons la coexistence fréquente chez les hystériques et chez d'autres aliénés,
de ce qu'on appelait, il y a peu de temps encore, en leur accordant une place trop importante, de l'érotomanie,
de la théomanie, de la démonomanie.
De Krafft-Ebing montre chez Élise B..., dont on va lire l'histoire, une tare héréditaire maxima et la dégénérescence,
l'hystérie, l'état délirant, enfin la démence précoce. C'est une dégénérée
névropathique et psychopathique, mais peut-on dire si le délire religieux doit être rattaché
à l'hystérie plutôt qu'à la dégénérescence ? En tous cas, la tare héréditaire
a été si lourde que la démence est survenue rapidement et d'une façon précoce à vingt-huit
ans.
HYSTÉRIE AVEC DÉLIRE RELIGIEUX CHEZ UNE HÉRÉDITAIRE DÉGÉNÉRÉE. |
Élise B..., fille de fonctionnaire, catholique, vingt-sept ans,
célibataire, issue d'une mère névropathique et d'un père hypochondriaque. Tante et oncle
paternels aliénés. Une sueur aliénée à l'époque de la puberté.
Un frère atteint de folie morale. Dans sa première jeunesse la malade s'est révélée névropathique, émotive, délicate, faible, scrofuleuse, mais bien douée. C'est à treize ans que, sur ce fond névropathique, a commencé à germer un état nerveux qui a pris graduellement le caractère d'une hystérie grave. D'abord constituée par des épisodes passagers d'ordre névropathique et psychopathique absolument variés, ils ne tardent pas à aboutir à un trouble psychique permanent, accompagné de déchéance mentale rapide. D'abord, névralgie des nerfs occipitaux, inter-costaux, et des plexus avec affaiblissement de la nutrition ; anémie et accidents multiples d'ordre scrofuleux. Dépressions fréquentes, pleurs sans motifs. A seize ans, neurasthénie cérébro-spinale classique, qui s'exagère au moment de la menstruation (dix-sept ans) ; au moment des règles régulières, mais profuses et douloureuses, la malade est incapable de rien faire. A dix-huit ans, l'hystérie apparaît (globe, clou, myodynie), et elle acquiert une intensité due à des chagrins de famille et à une gêne financière. Pendant neuf mois elle reste alitée, présentant tantôt de la léthargie, tantôt des contractures grimaçantes, des convulsions, des syncopes nerveuses, des paroxysmes extatiques. A partir de ce moment, elle ne se rétablit pas, tant au point de vue physique qu'au point de vue somatique ; elle présente l'image d'une inactivité maladive, la réduisant à une existence végétative. Par accès, visions extatiques et convulsions hystériques. C'est après la mort de sa mère, le 18 février 1866, qui l'affecta vivement, qu'elle fut en proie à de l'insomnie, qu'elle se montra agitée. Son humeur était tantôt celle d'une extravagance expansive avec surabondance d'idées, tantôt d'une dépression douloureuse profonde, d'une torpeur véritable. En même temps, hyperesthésie sensorielle, boulimie, appétits spéciaux. Peu de jours après, elle eut des visions extatiques, pendant lesquelles elle voyait sa mère, inspirée, et l'entendait lui prophétiser qu'un grand bonheur était réservé à la famille. En même temps, elle se sentait comme rajeunie et inspirée, puis elle se voyait elle-même comme entourée par de mauvais esprits qu'elle essayait de chasser. Mais elle était prise d'accès d'angoisse pendant lesquels elle essayait de se tuer, s'égratignait, faisait des signes de croix ; puis sa mère revenait de nouveau inspirée, lui souriait et l'animait pour combattre les puissances infernales. Au moment de son admission, le 17 Mars 1866, elle est exaltée, le bon Jésus la possède, ainsi que l'âme de sa mère ; son oeil est brillant, égaré ; on constate de la brachycéphalie, le crâne est petit : c'est une scrofuleuse et l'anémie est profonde. L'exaltation religieuse persiste en même temps que des signes incontestables d'excitation érotique et aboutit passagèrement jusqu'à l'extase. Elle raconte que Dieu est maintenant en elle, qu'il la possède fortement, qu'elle a vaincu Satan et les mauvais esprits, et qu'en tout temps elle n'a qu'à évoquer le nom de Dieu pour les faire fuir. On constate par groupe, tantôt des accès d'angoisse, tantôt la vision du diable et des combats désespérés avec les puissances sataniques ; mais la démonomanie finit, à la fin, par faire place à un délire religieux expansif, dans lequel les courants magnétiques, l'union mystique de la créature avec le principe divin, les prophètes, les idées d'une mission religieuse mystique, les voies de Dieu et les visions célestes, jouent le rôle principal. Le développement de la maladie affecta une marche protéiforme ; le fond, le pivot fut, en quelque sorte, constitué par un délire religieux et sexuel, autour duquel se groupaient des épisodes de délire d'empoisonnement, de persécution, des phases de concentration psychique, appartenant à l'ordre des songes, des épisodes d'exaltation religieuse avec visions et de l'extase : le tout se succédant avec une rapidité extrêmement grande. En même temps se manifestaient les signes d'une démence rapide ; devenue enfantine, malpropre, jouant avec ses excréments, qu'elle mangeait en s'en barbouillant, etc., etc... Dans cette démence, on constate encore des débris de ses diverses manifestations délirantes. En mars 1867, il semble que le tableau morbide reprenne quelque couleur sous la forme d'agitation mélancolique avec hallucinations, idées délirantes, terrifiantes, crainte d'être enterrée vivante, dégoût de la vie, lourdeur anormale du corps. Allégorie : elle est le mur de la vie, la montagne de la vie... Finalement, démence, état végétatif. Fin septembre 1.868, on la transfère dans un hospice comme incurable. |
Intitulée : MÉLANCOLIE FRUSTE. |
Dame de quarante ans environ, veuve, de tempérament sanguin, ayant été atteinte de graves épisodes hystériques, a cessé actuellement d'être réglée. Une nuit, en dormant, elle voit en songe un fantôme noir qui pénètre dans son corps. Elle soutient aujourd'hui que, depuis lors, le démon se livre sur elle à des pratiques voluptueuses ; aussi, dans ces derniers temps, surtout la nuit, ce sont des luttes, des pugilats réels avec l'esprit du mal incube. Sous l'influence du traitement, amélioration. |
HYSTÉRIE. DÉLIRE MYSTIQUE. VISITATION. RELATIONS AVEC LE PÈRE, LE FILS ET LE SAINT-ESPRIT. CONCEPTION D'UN ENFANT JÉSUS. |
B... (Mathilde), veuve G., âgée de quarante-quatre ans.
Entrée le 22 juin 1882 dans le service de l'admission à Sainte-Anne. Père et mère morts d'apoplexie cérébrale, sueur et nièce faibles d'esprit. Elle-même, convulsions dans l'enfance. Plusieurs attaques d'hystérie depuis la puberté. Antécédents peu précis sur l'évolution du délire ; toutefois il y avait là un terrain préparé (l'hystérie) et par suite les idées mystiques, ambitieuses, ont pu se développer plus rapidement; à plusieurs reprises, idées de persécution, troubles de la sensibilité générale : « on l'abime, on la fatigue ». Pratiques religieuses : communiait tous les jours, mais sans confession, quelquefois trois fois au pain et au vin (chez le père Loyson). Elle prétend avoir eu des relations avec le Christ qui est venu chez elle, sous la forme d'un homme blond, d'une trentaine d'années ; il lui a montré « son soleil éclatant » ; il avait une ceinture lumineuse autour de la tête (auréole). Le 3 avril, il s'est approché d'elle charnellement. Elle a eu l'honneur de boire dans son verre. Elle lui a confié quatre obligations de la Ville de Paris qu'elle possédait. Elle ignore son adresse, mais elle n'est pas inquiète : le Christ ne peut pas la tromper. Quelques jours plus tard, Dieu, le Père éternel, s'est présenté à elle sous la forme d'un homme de quarante-cinq ans, grisonnant. Elle a également cohabité deux-fois avec lui ; elle ne l'a plus revu. Deux semaines après, le Saint-Esprit est venu sous la forme d'un homme brun de quarante ans environ , ils ont eu deux relations sexuelles. Elle affirme n'avoir eu, depuis la mort de son mari, de relations qu'avec ces hommes divins. Le Christ comprend les trois personnes et elle est devenue l'épouse du Christ. Elle passait souvent ses nuits en prières et les anges venaient la réchauffer. Elle s'est vue environnée de l'ombre du Saint-Esprit, avec deux anges de chaque côté, et adorée par les anges. Elle se dit enceinte des oeuvres du Christ depuis le 3 avril. Elle enfantera un Enfant Jésus. (Le 27, les règles ayant reparu, elle raconta qu'on a fait disparaître le produit de la conception.) Le médecin qui a délivré le certificat d'entrée a désigné tout prosaïquement ce commerce divin sous le nom d'habitudes de prostitution. Depuis six mois, elle a eu plusieurs phases de violente excitation et de dépression. Aujourd'hui elle est plus tranquille, mais les idées mystiques persistent. Elle voit, dit-elle, le Christ spirituellement, son image apparaît, la tête entourée de rayons, mais c'est comme une ombre qu'on ne peut pas saisir. Elle remplacera la sainte Vierge sur la terre. |
C'est une dégénérée, en puissance d'hystérie sans accidents convulsifs. Elle ressent
parfois des palpitations, des langueurs. Des étouffements lui serrent la gorge. Elle est très facile à
hypnotiser. Elle fut internée plusieurs fois, à la suite d'excitation maniaque violente, mais passagère.
L'éducation religieuse entre pour une grande part dans son délire. « Devenu grosse, dit-elle, à la
suite d'une visitation, son manque de foi lui attira la colère divine, et la toute-puissance de Dieu la
fit avorter. »
DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. HYSTÉRIE. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ GÉNÉRALE, HALLUCINATIONS, ILLUSIONS. |
G... (Georgette), âgée de trente-huit ans. |
Srueissem,
Emmoc suov zeua ûd el riouas ia'j suiped seuqleuq spmet uruocrap enu eitrap ed Sirap ruop em erdner etpmoc rap
iom-emêm sed sruehlam iuq tiavuop repparf erton elleb elliv, etc.
Ce qui veut dire :
« Messieurs, Comme vous avez dû le savoir, j'ai, depuis quelque temps, parcouru une partie de Paris, pour me rendre
compte par moi-même des malheurs qui pouvait (sic) frapper notre belle ville, » etc. La malade prétend que le bon Dieu et la sainte Vierge s'intéressent à ce qu'elle fait. Ils
lui apparaissent en rêve, sans lui parler. La sainte Vierge lui tend les bras... |
Nous terminerons ce qui a trait aux grossesses d'origine divine, par cette citation empruntée à Bayle (18).
Nephes Ogli, ce nom signifie, parmi les Turcs, fils du SaintEsprit, et on le donne à certaines gens qui naissent d'une façon extraordinaire, je veux dire d'une mère vierge. Il y a des filles turques, dit-on, qui se tiennent dans certains lieux à l'écart, où elles ne voient aucun homme. Elles ne vont aux mosquées que rarement ; et lorsqu'elles y vont, elles y demeurent depuis neuf heures du soir jusqu'à minuit, et y joignent à leurs prières tant de contorsions de corps, et tant de cris, qu'elles épuisent toutes leurs forces, et qu'il leur arrive souvent de tomber par terre évanouies. Si elles se sentent grosses, depuis ce temps-là, elles disent qu'elles le sont par la grâce du Saint-Esprit, et c'est pour cela que les enfants dont elles accouchent sont appelés Nephes Ogli. (Georgiewitz cap. I. ita mihi narratum est, dit-il, a pedis sequis earum, nam nec ipse vidi, nec aliquis virorum eorumdem huit spectaculo Interesse potest.)
Ils sont considérés comme des gens qui ont le don des miracles. Un moine qui
a demeuré longtemps en Turquie, assure qu'on dit qu'il y a toujours deux ou trois de ces Nephes Ogli
dans la ville de Brusczia, et que leurs cheveux ou les pièces de leurs habits guérissent toutes sortes
de maladies. Dicuntur tales (ajoute-t-il), prodigiose nasci, id est sine virili semine, et per consequens tota
eorum vita et actio supernaturalis et mirabilis credenda est.
On ne saurait donc commettre d'erreur d'appréciation.