CELSE DE LA MEDECINE Livre III |
XXIII. Une des maladies des plus connues est celle qu'on appelle le mal des comices, ou le haut mal. Celui qui en est atteint tombe subitement, rend de l'écume par la bouche, puis, au bout d'un certain temps, revient à lui et se relève de lui-même. Les hommes sont plus sujets que les femmes à cette affection. Elle est en général de longue durée, et sans abréger la vie, se prolonge jusqu'à la mort ; néanmoins, lorsqu'elle est récente, elle peut tuer le malade. Souvent aussi quand les remèdes ont échoué, les garçons doivent leur guérison aux premières jouissances de l'amour, et les filles à l'apparition des menstrues. La chute du malade peut avoir lieu avec ou sans convulsions. On voit des gens employer, pour faire revenir les épileptiques, les moyens qu'ils croient propres à réveiller les léthargiques, et ce sont là de vaines tentatives. Dans la léthargie d'abord, ces moyens sont nullement curatifs ; mais on peut craindre que le malade ne périsse d'inanition s'il ne sort pas de son assoupissement, tandis qu'on est certain que l'épileptique reprendra ses sens. Lorsque l'attaque survient, s'il n'y a pas de mouvements convulsifs, il faut toujours tirer du sang ; dans le cas contraire on s'en abstiendra , à moins qu'on y soit conduit par d'autres indications. Mais il est nécessaire de faire prendre un lavement, de purger avec de l'ellébore noir, ou même d'ordonner l'un et l'autre, si les forces le permettent : on doit ensuite raser la tête pour y faire des fomentations d'huile et de vinaigre, et n'accorder d'aliments que le troisième jour, et quand l'heure de l'attaque est passée. On ne doit composer l'alimentation ni de crèmes farineuses, ni des autres aliments doux et légers, non plus que de la chair des animaux, et surtout celle de porc, mais tirer les substances nutritives de la classe moyenne ; car d'une part il faut soutenir les forces, et de l'autre se tenir en garde contre les indigestions. Les épileptiques doivent fuir le soleil, les bains, le feu, et tout ce qui peut donner de la chaleur ; ils fuiront également le froid, le vin, les plaisirs de l'amour, éviteront l'aspect des précipices et de tous les objets effrayants, ne chercheront pas à vomir, et s'interdiront la fatigue, les soucis, et le soin des affaires. Après avoir laissé manger le malade le troisième jour, il faut revenir à la diète le quatrième, et ne permettre ensuite d'alimentation que de deux jours l'un, jusqu'au quatorzième jour inclusivement. Passé ce terme, le mal a perdu son acuité, et doit être traité, s'il persiste, comme une affection chronique. Si le médecin n'a pas été appelé le jour où le malade est tombé pour la première fois, et si déjà les chutes sont devenues habituelles, il commencera par prescrire le régime indiqué plus haut, attendra le jour de l'attaque, et aura recours alors, soit à la saignée, soit aux lavements ou à l'ellébore noir, selon le précepte qui vient d'être établi. Les jours suivants on nourrira le malade avec les aliments que j'ai proposés, et l'on aura soin d'éviter tout ce que j'ai signalé comme contraire. Si la maladie ne cède pas à ces moyens, il faut en venir à l'ellébore blanc, le prescrire trois ou quatre fois, à peu de jours de distance, mais de telle façon que le malade n'en prenne jamais deux fois de suite, à moins d'une attaque inaccoutumée. Pendant les jours intermédiaires on entretiendra les forces du malade, et l'on ajoutera quelques moyens à ceux que j'ai fait connaître. Dès le matin à son reveil, il faut avec de l'huile vieille lui frotter bien doucement le corps, à l'exception de la tête et du ventre ; l'obliger ensuite à se promener aussi loin que possible, et en ligne droite ; au retour de la promenade, le tenir dans un endroit où la chaleur soit tiède, et s'il n'est pas trop faible, le frictionner fortement et longtemps, c'est à dire deux cent fois au moins. Cela fait, il faut lui verser sur la tête une grande quantité d'eau froide, lui faire prendre un peu de nourriture et le laisser reposer ; avant la nuit, nouvelle promenade suivie des mêmes frictions, à la réserve toujours de la tête et du ventre ; puis vient le repas du soir ; enfin au bout de trois ou quatre jours, on lui donnera pendant un jour ou deux des aliments âcres. Si par ce traitement on n'obtient pas encore la guérison du malade, on doit lui raser la tête, y faire des onctions avec de l'huile vieille, du vinaigre et du nitre, et l'arroser d'eau salée ; ensuite lui faire boire à jeun du castoréum dissous dans de l'eau, et pour boisson ordinaire n'accorder que de l'eau qu'on ait fait bouillir. Quelques épileptiques se sont délivrés de cette affreuse maladie en buvant le sang d'un gladiateur récemment égorgé ; déplorable secours que pouvait seul faire supporter un mal plus déplorable encore. Quant au médecin, il devra, comme dernières tentatives, pratiquer une légère saignée aux deux pieds, faire des incisions à l'occiput et les recouvrir de ventouses ; au dessous de cette région appliquer le fer rouge au point d'articulation de la première vertèbre avec la tête, et, au moyen de deux cautérisations, donner issue aux humeurs nuisibles. Quand tous ces remèdes n'ont pu faire justice de la maladie, il y a tout lieu de penser qu'elle sera désormais incurable ; et, dans le but de soulager le malade, on lui conseillera seulement de faire beaucoup d'exercice, de revenir souvent aux frictions, de se borner à l'usage des aliments que j'ai prescrit plus haut, et d'éviter surtout les choses dont j'ai signalé le danger. |